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De Histoire de Chine
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'''rédigé par Yvon Velot'''
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À la fin du 19<sup>e</sup> siècle, la recherche de nouvelles voies de pénétration commerciale en Chine amena la France et la Grande-Bretagne à s’intéresser à la ville de Simao (思茅), rebaptisée Pu’er (普洱) en 2007, au sud-ouest de la province du Yunnan, frontalière du Myanmar et du Laos. Dès lors, ces confins chinois renommés pour leur célèbre thé Pu’er, qui doit son nom à une localité alors située à quelques kilomètres au nord de Simao, virent le passage de plusieurs missions d’exploration dès la fin des années 1860. Elles furent suivies quelques années plus tard par l’implantation de représentations diplomatiques française et anglaise à Simao. Dans la suite de recherches sur les liens entre la France et Simao effectuées à la demande du comité d’histoire local, nous proposons ici un bref historique de la présence française dans la préfecture de Pu’er.  
À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, la recherche de nouvelles voies de pénétration commerciale en Chine amena la France et la Grande-Bretagne à s’intéresser à la ville de Simao (思茅), rebaptisée Pu’er (普洱) en 2007, au sud-ouest de la province du Yunnan, frontalière du Myanmar et du Laos. Dès lors, ces confins chinois renommés pour leur célèbre thé Pu’er, qui doit son nom à une localité alors située à quelques kilomètres au nord de Simao, virent le passage de plusieurs missions d’exploration dès la fin des années 1860. Elles furent suivies quelques années plus tard par l’implantation de représentations diplomatiques française et anglaise à Simao. Dans la suite de recherches sur les liens entre la France et Simao effectuées à la demande du comité d’histoire local, nous proposons ici un bref historique de la présence française dans la préfecture de Pu’er.  


== Missions d’exploration ==
== Missions d’exploration ==
En octobre 1867, la mission française d’exploration du Mékong sous la direction d’Ernest DOUDART DE LAGREE, assisté de Francis GARNIER, arrive à Simao après avoir traversé la frontière sino-laotienne. Dans son récit de cette expédition, Francis GARNIER écrit :<blockquote>[[Fichier:Faubourg oriental de Simao in Voyage d’Exploration en Indo-Chine.jpg|vignette|Faubourg oriental de Simao in ''Voyage d’Exploration en Indo-Chine''<ref>''Le Tour du Monde'' 1872 p. 313</ref>]]« ''À quatre heures du soir, une plaine immense s’ouvrit au-dessous de nous : au centre, s’élevait une ville fortifiée dont les maisons rouges et blanches débordaient l’enceinte de toutes parts et s’allongeaient en faubourgs irréguliers sur les bords de deux ruisseaux qui serpentaient dans la plaine. Les cultures maraîchères, les jardins, les villas rayonnaient à grande distance et, dans plusieurs directions, les rubans argentés des routes de pierres sillonnaient les hauteurs déboisées et grisâtres qui entouraient la plaine.''
En octobre 1867, la mission française d’exploration du Mékong sous la direction d’Ernest DOUDART DE LAGREE, assisté de Francis GARNIER, arrive à Simao après avoir traversé la frontière sino-laotienne. Dans son récit de cette expédition, Francis GARNIER écrit :<blockquote>[[Fichier:Faubourg oriental de Simao in Voyage d’Exploration en Indo-Chine.jpg|vignette|Faubourg oriental de Simao in ''Voyage d’Exploration en Indo-Chine''<ref>''Le Tour du Monde'' 1872 p. 313</ref>]]« ''À quatre heures du soir, une plaine immense s’ouvrit au-dessous de nous : au centre, s’élevait une ville fortifiée dont les maisons rouges et blanches débordaient l’enceinte de toutes parts et s’allongeaient en faubourgs irréguliers sur les bords de deux ruisseaux qui serpentaient dans la plaine. Les cultures maraîchères, les jardins, les villas rayonnaient à grande distance et, dans plusieurs directions, les rubans argentés des routes de pierres sillonnaient les hauteurs déboisées et grisâtres qui entouraient la plaine.''


''Ce ne fut pas sans une vive émotion que nous saluâmes cette première ville chinoise qui dressait devant nous ses toits hospitaliers. Après dix-huit mois de fatigues, après avoir traversé des régions vierges encore de toute civilisation, nous nous trouvions enfin dans une ville, représentation vivante de la plus vieille civilisation de l’Orient. Pour la première fois, des voyageurs européens pénétraient en Chine par la frontière indienne.'' »<ref>GARNIER Francis, ''Voyage d’Exploration en Indo-Chine,'' in ''Le Tour du Monde, Nouveau Journal des Voyages'', Ed. Librairie Hachette et Cie, Paris, 1872, p. 311.</ref></blockquote>
''Ce ne fut pas sans une vive émotion que nous saluâmes cette première ville chinoise qui dressait devant nous ses toits hospitaliers. Après dix-huit mois de fatigues, après avoir traversé des régions vierges encore de toute civilisation, nous nous trouvions enfin dans une ville, représentation vivante de la plus vieille civilisation de l’Orient. Pour la première fois, des voyageurs européens pénétraient en Chine par la frontière indienne.'' »<ref>GARNIER Francis, ''Voyage d’Exploration en Indo-Chine,'' in ''Le Tour du Monde, Nouveau Journal des Voyages'', Ed. Librairie Hachette et Cie, Paris, 1872, p. 311.</ref></blockquote>
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Par décret du 23 décembre 1895, la France valide l’ouverture d’un consulat à Simao, ainsi que dans les villes de Hekou, Chongqing, Yantai et Dongxing. L’article 3 de la Convention de commerce du 20 juin 1895<ref>« Convention complémentaire de la convention additionnelle de commerce du 26 juin 1887 entre la France et la Chine, signée à Pékin le 20 juin 1895 », Art. 3, in ''Recueil des Traités de la France publiés sous les auspices du Ministères des Affaires étrangères'', Tome vingtième 1893-1896, Ed. A. Pedone, Paris, 1900, p. 242.</ref> entre la France et la Chine précise : <blockquote>« ''Il est convenu que la ville de Sse-mao, au Yun-nan, sera ouverte au commerce franco-annamite, comme Long-tchéou et Mong-tseu et que le Gouvernement français aura le droit, comme dans les autres ports ouverts, d’y entretenir un consul, en même temps que le Gouvernement chinois y entretiendra un agent des douanes. Les autorités locales s’emploieront à faciliter l’installation du consul de France dans une résidence honorable. Les Français et protégés français pourront s’établir à Sse-mao dans les conditions prévues dans les articles 7, 10, 11, 12 et autres du Traité du 27 juin 1858, ainsi que par l’article 3 de la Convention du 25 avril 1886. Les marchandises à destination de la Chine pourront être transportées par les rivières, notamment le Lo-so et le Mé-kong, aussi bien que par les routes de terre et notamment par la route mandarinale qui conduit soit de Mong-lé, soit d’I-pang, à Sse-mao et P’ou-eul, les droits dont ces marchandises seraient passibles devant être acquittées à Sse-mao.'' »</blockquote>           L’article 6 de cette même convention<ref>Ibid. Art. 6, p. 244.</ref> concerne plus particulièrement le télégraphe :<blockquote> «'' L’article 2 de la Convention télégraphique entre la France et la Chine, signée à Tche-fou le 1<sup>er</sup> décembre 1888, est complétée ainsi qu’il suit : D. – Un raccordement sera établi entre la préfecture secondaire de Sse-mao et l’Annam, par deux stations qui seront Sse-mao en Chine, et Muong-ha-hin (Mong-ngay-neua), placé, en Annam, à mi-chemin de Lai-chau et de Luang-Prabang. Les tarifs seront fixés conformément à l’article 6 de la convention télégraphique de Tche-fou.'' »</blockquote>
Par décret du 23 décembre 1895, la France valide l’ouverture d’un consulat à Simao, ainsi que dans les villes de Hekou, Chongqing, Yantai et Dongxing. L’article 3 de la Convention de commerce du 20 juin 1895<ref>« Convention complémentaire de la convention additionnelle de commerce du 26 juin 1887 entre la France et la Chine, signée à Pékin le 20 juin 1895 », Art. 3, in ''Recueil des Traités de la France publiés sous les auspices du Ministères des Affaires étrangères'', Tome vingtième 1893-1896, Ed. A. Pedone, Paris, 1900, p. 242.</ref> entre la France et la Chine précise : <blockquote>« ''Il est convenu que la ville de Sse-mao, au Yun-nan, sera ouverte au commerce franco-annamite, comme Long-tchéou et Mong-tseu et que le Gouvernement français aura le droit, comme dans les autres ports ouverts, d’y entretenir un consul, en même temps que le Gouvernement chinois y entretiendra un agent des douanes. Les autorités locales s’emploieront à faciliter l’installation du consul de France dans une résidence honorable. Les Français et protégés français pourront s’établir à Sse-mao dans les conditions prévues dans les articles 7, 10, 11, 12 et autres du Traité du 27 juin 1858, ainsi que par l’article 3 de la Convention du 25 avril 1886. Les marchandises à destination de la Chine pourront être transportées par les rivières, notamment le Lo-so et le Mé-kong, aussi bien que par les routes de terre et notamment par la route mandarinale qui conduit soit de Mong-lé, soit d’I-pang, à Sse-mao et P’ou-eul, les droits dont ces marchandises seraient passibles devant être acquittées à Sse-mao.'' »</blockquote> L’article 6 de cette même convention<ref>Ibid. Art. 6, p. 244.</ref> concerne plus particulièrement le télégraphe :<blockquote> «'' L’article 2 de la Convention télégraphique entre la France et la Chine, signée à Tche-fou le 1<sup>er</sup> décembre 1888, est complétée ainsi qu’il suit : D. – Un raccordement sera établi entre la préfecture secondaire de Sse-mao et l’Annam, par deux stations qui seront Sse-mao en Chine, et Muong-ha-hin (Mong-ngay-neua), placé, en Annam, à mi-chemin de Lai-chau et de Luang-Prabang. Les tarifs seront fixés conformément à l’article 6 de la convention télégraphique de Tche-fou.'' »</blockquote>
[[Fichier:Carte des itinéraires de Pierre-Rémi BONS D’ANTY dans le Yunnan et au Myanmar in Excursions dans le pays Chan chinois et dans les montagnes de thé (1900).jpg|vignette|Carte des itinéraires de Pierre-Rémi BONS D’ANTY dans le Yunnan et au Myanmar in ''Excursions dans le pays Chan chinois et dans les montagnes de thé'' (1900)]]
[[Fichier:Carte des itinéraires de Pierre-Rémi BONS D’ANTY dans le Yunnan et au Myanmar in Excursions dans le pays Chan chinois et dans les montagnes de thé (1900).jpg|vignette|Carte des itinéraires de Pierre-Rémi BONS D’ANTY dans le Yunnan et au Myanmar in ''Excursions dans le pays Chan chinois et dans les montagnes de thé'' (1900)]]
Le premier consul de France à Simao est Pierre-Rémi BONS D’ANTY, nommé le 23 décembre 1895. Il prend son poste le 2 août 1896 et y reste jusqu’en mars 1898. A la suite de son séjour à Simao, Pierre-Rémi BONS D’ANTY publie en 1900 un petit ouvrage intitulé ''Excursions dans le pays Chan chinois et dans les montagnes de thé''<ref>In ''Série d’Orient'' N<sup>o</sup> 3, ''La Chine, mélanges 1890-1897'', N<sup>o</sup> 4, Ed. Imprimerie de la Presse orientale, Shanghai, 1900.</ref>, ainsi qu’en 1902 un article intitulé « ''Relation d’un voyage dans la région située au sud de Ssemao'' »<ref>In ''Chine voyage et description, mélanges 1863-1902'', Ed. A. Colin, Paris.</ref>. Comme le consulat ouvert par Pierre-Rémi BONS D’ANTY était installé dans une pagode peu confortable située au milieu d’un cimetière, son successeur, Camille SAINSON, entreprend la construction d’un nouveau consulat sur un terrain de 16 000 mètres carrés dont il fait l’acquisition peu de temps après son arrivée à Simao. En raison de soucis de santé, Camille SAINSON demande à quitter Simao. Il prendra en novembre 1899 le poste d’interprète-chancelier au consulat de France à Mengzi, avant d’être nommé vice-consul de France à Hekou le 11 avril 1900.  
Le premier consul de France à Simao est Pierre-Rémi BONS D’ANTY, nommé le 23 décembre 1895. Il prend son poste le 2 août 1896 et y reste jusqu’en mars 1898. A la suite de son séjour à Simao, Pierre-Rémi BONS D’ANTY publie en 1900 un petit ouvrage intitulé ''Excursions dans le pays Chan chinois et dans les montagnes de thé''<ref>In ''Série d’Orient'' N<sup>o</sup> 3, ''La Chine, mélanges 1890-1897'', N<sup>o</sup> 4, Ed. Imprimerie de la Presse orientale, Shanghai, 1900.</ref>, ainsi qu’en 1902 un article intitulé « ''Relation d’un voyage dans la région située au sud de Ssemao'' »<ref>In ''Chine voyage et description, mélanges 1863-1902'', Ed. A. Colin, Paris.</ref>. Comme le consulat ouvert par Pierre-Rémi BONS D’ANTY était installé dans une pagode peu confortable située au milieu d’un cimetière, son successeur, Camille SAINSON, entreprend la construction d’un nouveau consulat sur un terrain de 16 000 mètres carrés dont il fait l’acquisition peu de temps après son arrivée à Simao. En raison de soucis de santé, Camille SAINSON demande à quitter Simao. Il prendra en novembre 1899 le poste d’interprète-chancelier au consulat de France à Mengzi, avant d’être nommé vice-consul de France à Hekou le 11 avril 1900.  


           
Joseph LAUNAY succède à Camille SAINSON à Simao le 31 décembre 1898. En raison de crises de paludisme, il demande à rentrer en France en juillet 1899 et quitte finalement Simao le 31 décembre 1899. Eugène RICARD, alors qu’il est consul de France à Malte depuis août 1895, est nommé le 16 octobre 1898 au consulat de France à Simao pour prendre la suite de Joseph LAUNAY. Il ne viendra finalement pas en Chine, contraint de rester en France en raison de problèmes de santé. Finalement, c’est Joseph DAUTREMER qui succède à Joseph LAUNAY à partir de mars 1901. Son séjour à Simao sera relativement bref, puisqu’en janvier 1902, il s’installe au consulat de France à Longzhou dans le Guangxi. Il publiera le récit de son séjour dans le Yunnan en 1909 dans le ''Bulletin de l’Association amicale franco-chinoise''<ref>DAUTREMER Joseph, « Yun-nan et Kouang-si, frontières indo-chinoises. Journal de route (octobre 1901 – juillet 1903) », in ''Bulletin de l’Association amicale franco-chinoise'', Ed. Imprimerie Paul Dupont, Paris, 1909, 1<sup>er</sup> vol. – N<sup>o</sup> 4 – Avril 1909 (pp. 274-293), 1<sup>er</sup> vol. – N<sup>o</sup> 5 – Juillet 1909 (pp. 327-360), 1<sup>er</sup> vol. – N<sup>o</sup> 6 – Octobre 1909 (pp. 456-475).</ref>. Aucun successeur ne lui est désigné au consulat de France à Simao qui devient de facto une simple agence consulaire, alors administrée par le docteur SAUTAREL<ref>Cf. ''Annuaire diplomatique et consulaire de la République française pour l’année 1906'', Ed. Berger-Levrault & C<sup>ie</sup>, Paris, 1906, p. 25.</ref>. Début décembre 1921, Albert BODARD, consul de France à Kunming, demande la nomination d’un administrateur pour l’agence consulaire de Simao, restée sans titulaire depuis 1908. Rouverte le 22 octobre 1923, elle est confiée au docteur PAUTET, médecin major de 1<sup>ère</sup> classe des troupes coloniales<ref>BENSACQ-TIXIER Nicole, ''La France en Chine de Sun Yat-sen à Mao Zedong, 1918-1953'', Ed. Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 151.</ref>, qui en 1928 deviendra médecin-chef de l’hôpital de Mengzi<ref>BRETELLE-ESTABLET Florence, « Diplomatie et politique coloniale. La médecine française au Yunnan de 1898 à 1931 d'après les sources coloniales françaises et des études chinoises », in ''Revue française d'histoire d'outre-mer'', tome 84, n°315, 2<sup>e</sup> trimestre 1997. pp. 29-61 (p. 37).</ref>.
 
Joseph LAUNAY succède à Camille SAINSON à Simao le 31 décembre 1898. En raison de crises de paludisme, il demande à rentrer en France en juillet 1899 et quitte finalement Simao le 31 décembre 1899. Eugène RICARD, alors qu’il est consul de France à Malte depuis août 1895, est nommé le 16 octobre 1898 au consulat de France à Simao pour prendre la suite de Joseph LAUNAY. Il ne viendra finalement pas en Chine, contraint de rester en France en raison de problèmes de santé. Finalement, c’est Joseph DAUTREMER qui succède à Joseph LAUNAY à partir de mars 1901. Son séjour à Simao sera relativement bref, puisqu’en janvier 1902, il s’installe au consulat de France à Longzhou dans le Guangxi. Il publiera le récit de son séjour dans le Yunnan en 1909 dans le ''Bulletin de l’Association amicale franco-chinoise''<ref>DAUTREMER Joseph, « Yun-nan et Kouang-si, frontières indo-chinoises. Journal de route (octobre 1901 – juillet 1903) », in ''Bulletin de l’Association amicale franco-chinoise'', Ed. Imprimerie Paul Dupont, Paris, 1909, 1<sup>er</sup> vol. – N<sup>o</sup> 4 – Avril 1909 (pp. 274-293), 1<sup>er</sup> vol. – N<sup>o</sup> 5 – Juillet 1909 (pp. 327-360), 1<sup>er</sup> vol. – N<sup>o</sup> 6 – Octobre 1909 (pp. 456-475).</ref>. Aucun successeur ne lui est désigné au consulat de France à Simao qui devient de facto une simple agence consulaire, alors administrée par le docteur SAUTAREL<ref>Cf. ''Annuaire diplomatique et consulaire de la République française pour l’année 1906'', Ed. Berger-Levrault & C<sup>ie</sup>, Paris, 1906, p. 25.</ref>. Début décembre 1921, Albert BODARD, consul de France à Kunming, demande la nomination d’un administrateur pour l’agence consulaire de Simao, restée sans titulaire depuis 1908. Rouverte le 22 octobre 1923, elle est confiée au docteur PAUTET, médecin major de 1<sup>ère</sup> classe des troupes coloniales<ref>BENSACQ-TIXIER Nicole, ''La France en Chine de Sun Yat-sen à Mao Zedong, 1918-1953'', Ed. Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 151.</ref>, qui en 1928 deviendra médecin-chef de l’hôpital de Mengzi<ref>BRETELLE-ESTABLET Florence, « Diplomatie et politique coloniale. La médecine française au Yunnan de 1898 à 1931 d'après les sources coloniales françaises et des études chinoises », in ''Revue française d'histoire d'outre-mer'', tome 84, n°315, 2<sup>e</sup> trimestre 1997. pp. 29-61 (p. 37).</ref>.  
 
           


Raphaël REAU, vice-consul, gérant du consulat de France à Mengzi de septembre 1905 à septembre 1908, rédige un rapport intitulé « ''Le commerce de Sseu-mao et Teng-yueh en 1906'' » à destination du Ministère français des Affaires étrangères. Ce rapport sera publié en 1908 dans le ''Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Paris''<ref>REAU Raphaël, « Le Commerce de Sseu-mao et de Teng-yueh en 1906 », in ''Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Paris'', 1908, pp. 241-252.</ref>. Il montre notamment le fort développement de la ville de Mengzi au détriment de Simao et Tengchong (腾冲), dû principalement aux facilités de transport liées à l’avancement des travaux de construction du chemin de fer Yunnan-Vietnam. Ainsi pour 1906, la valeur du commerce extérieur du Yunnan, d’un montant total de près de 50 millions de francs, s’élève à 43,3 millions de francs pour Mengzi et à moins d’un million de francs pour Simao. Georges SOULIE de MORANT, interprète au consulat de France à Kunming entre 1907 et 1909, rédige un rapport pour le Ministère français des Affaires étrangères intitulé « ''Notice sur le Yunnan'' » qui est publié en 1909 par la ''Société de Géographie commerciale de Paris''<ref>SOULIE George, « Notice sur le Yunnan », in ''Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Paris'', 1909, pp. 195-206, 256-277.</ref>. Ce rapport fournit de nombreux renseignements commerciaux sur le district de Simao tant du point de vue de ses importations que de ses exportations.
Raphaël REAU, vice-consul, gérant du consulat de France à Mengzi de septembre 1905 à septembre 1908, rédige un rapport intitulé « ''Le commerce de Sseu-mao et Teng-yueh en 1906'' » à destination du Ministère français des Affaires étrangères. Ce rapport sera publié en 1908 dans le ''Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Paris''<ref>REAU Raphaël, « Le Commerce de Sseu-mao et de Teng-yueh en 1906 », in ''Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Paris'', 1908, pp. 241-252.</ref>. Il montre notamment le fort développement de la ville de Mengzi au détriment de Simao et Tengchong (腾冲), dû principalement aux facilités de transport liées à l’avancement des travaux de construction du chemin de fer Yunnan-Vietnam. Ainsi pour 1906, la valeur du commerce extérieur du Yunnan, d’un montant total de près de 50 millions de francs, s’élève à 43,3 millions de francs pour Mengzi et à moins d’un million de francs pour Simao. [[George Soulié de Morant, le « vieux chinois » qui rêvait de devenir médecin|Georges SOULIE de MORANT]], interprète au consulat de France à Kunming entre 1907 et 1909, rédige un rapport pour le Ministère français des Affaires étrangères intitulé « ''Notice sur le Yunnan'' » qui est publié en 1909 par la ''Société de Géographie commerciale de Paris''<ref>SOULIE George, « Notice sur le Yunnan », in ''Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Paris'', 1909, pp. 195-206, 256-277.</ref>. Ce rapport fournit de nombreux renseignements commerciaux sur le district de Simao tant du point de vue de ses importations que de ses exportations.


== Présence médicale ==
== Présence médicale ==

Dernière version du 16 octobre 2023 à 02:16

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rédigé par Yvon Velot

À la fin du XIXe siècle, la recherche de nouvelles voies de pénétration commerciale en Chine amena la France et la Grande-Bretagne à s’intéresser à la ville de Simao (思茅), rebaptisée Pu’er (普洱) en 2007, au sud-ouest de la province du Yunnan, frontalière du Myanmar et du Laos. Dès lors, ces confins chinois renommés pour leur célèbre thé Pu’er, qui doit son nom à une localité alors située à quelques kilomètres au nord de Simao, virent le passage de plusieurs missions d’exploration dès la fin des années 1860. Elles furent suivies quelques années plus tard par l’implantation de représentations diplomatiques française et anglaise à Simao. Dans la suite de recherches sur les liens entre la France et Simao effectuées à la demande du comité d’histoire local, nous proposons ici un bref historique de la présence française dans la préfecture de Pu’er.

Missions d’exploration

En octobre 1867, la mission française d’exploration du Mékong sous la direction d’Ernest DOUDART DE LAGREE, assisté de Francis GARNIER, arrive à Simao après avoir traversé la frontière sino-laotienne. Dans son récit de cette expédition, Francis GARNIER écrit :

Faubourg oriental de Simao in Voyage d’Exploration en Indo-Chine[1]

« À quatre heures du soir, une plaine immense s’ouvrit au-dessous de nous : au centre, s’élevait une ville fortifiée dont les maisons rouges et blanches débordaient l’enceinte de toutes parts et s’allongeaient en faubourgs irréguliers sur les bords de deux ruisseaux qui serpentaient dans la plaine. Les cultures maraîchères, les jardins, les villas rayonnaient à grande distance et, dans plusieurs directions, les rubans argentés des routes de pierres sillonnaient les hauteurs déboisées et grisâtres qui entouraient la plaine. Ce ne fut pas sans une vive émotion que nous saluâmes cette première ville chinoise qui dressait devant nous ses toits hospitaliers. Après dix-huit mois de fatigues, après avoir traversé des régions vierges encore de toute civilisation, nous nous trouvions enfin dans une ville, représentation vivante de la plus vieille civilisation de l’Orient. Pour la première fois, des voyageurs européens pénétraient en Chine par la frontière indienne. »[2]


Francis GARNIER décrit ensuite la ville et ses environs et donne force détails sur la production de sel autour de Simao. Il évoque aussi la présence d’un Européen nommé Kosuto qui, aidé de quelques compatriotes est habile à fabriquer de la poudre et des explosifs, et dont lui a parlé le gouverneur de Simao, mais qui n’y est pas présent lorsque l’expédition arrive. Il indique ensuite que l’expédition se remet en route au bout de deux semaines et arrive dans la ville de Pu’er le 1er novembre où elle va rester jusqu’au 4 novembre. Il évoque alors très succinctement dans son récit la production de thé locale : « Pou-eul n’a aucune importance au point de vue commercial. Cette ville a donné son nom à des thés très estimés que l’on récolte dans la partie supérieure du Nam Hou et sur les frontières sud du Yun-nan »[3]. Il ajoute un peu plus loin dans son récit : « Nous avions enfin appris à Pou-eul que Kosuto n’était autre qu’un missionnaire, qui prêtait au vice-roi du Yun-nan un concours fort actif dans sa lutte contre les Musulmans ; mais il avait été obligé, nous disait-on, de se retirer dans le Koui-tcheou à la suite de l’explosion de la maison où il fabriquait des poudres »[4].

Dans son livre Du Tonkin aux Indes[5] publié en 1898, le Prince Henri D’ORLEANS évoque sa traversée du Yunnan, notamment son trajet de Mengzi (蒙自) à Simao puis de Simao à Dali (大理). Il a aussi raconté son voyage dans plusieurs conférences en France, dont l’une fut donnée devant la Société de Géographie de Lille en 1896[6].

De 1895 à 1897, la mission commerciale de la Chambre de Commerce de Lyon qui parcourt les provinces du sud de la Chine ne passera pas par Simao. Dans son rapport commercial sur la province du Yunnan[7], publié en 1898, elle donne cependant des informations assez précises sur la région de Pu’er, recueillies lors de son séjour à Kunming (昆明), alors appelée Yunnanfu (云南府). Plusieurs pages de ce rapport sont consacrées au thé de Pu’er : « Le thé de Pou-eurl est cultivé dans toute la région au sud de Se-mao ting et de Pou-eurl fou, entre les bassins du Mé-kong et de la rivière Noire. Les plantations des montagnes donnent un produit bien supérieur à celui des parties basses de ce district, qu’il aurait d’ailleurs fallu parcourir pour se rendre exactement compte des classifications que font les Chinois suivant la nature des terrains de culture »[8].

En 1903, le lieutenant Georges GRILLIERES[9] effectue une première mission d’exploration dans le Yunnan, tout d’abord au nord de Kunming à la recherche d’un tracé pour une future voie ferrée vers le Sichuan, puis dans les marches tibétaines autour des vallées de la Salouen et du Mékong où le Père Annet GENESTIER de la Société des Missions étrangères de Paris lui sert de guide à partir du village de Cigu (茨故), près de Cizhong (茨中). Cette mission d’exploration a été facilitée par Auguste FRANÇOIS, alors consul de France à Kunming, pour qui Georges GRILLIERES ne tarit pas d’éloges : « J'ai reçu de M. François, consul général à Yun-nan-Sen, l'accueil le plus courtois et le plus affable et je dois à cet excellent hôte, non seulement les moments les plus agréables de mon voyage, mais surtout les résultats obtenus pendant ce voyage. Si j'ai rapporté quelques documents intéressants, c'est, non seulement parce que j'ai suivi les conseils éclairés de mon hôte, mais aussi parce qu'il s'est employé de son mieux à me faire obtenir des autorités les recommandations, ainsi que les animaux et le personnel de choix dont j'ai eu besoin pour effectuer mon itinéraire »[10]. En juillet 1904, il entreprend une nouvelle expédition en territoire chinois. Arrivé à Simao le 7 juillet, il loge chez Monsieur O’KELLY, assistant des Douanes chinoises. Quelques jours plus tard, il est pris d’une forte fièvre qui lui est fatale. Il décède le 14 juillet et est enterré en présence des autorités locales dans un coin du terrain du consulat de France[11]. Il ne reste a priori aujourd’hui aucune trace de la sépulture du lieutenant GRILLIERES ni du consulat de France à Simao.

Présence consulaire

Par décret du 23 décembre 1895, la France valide l’ouverture d’un consulat à Simao, ainsi que dans les villes de Hekou, Chongqing, Yantai et Dongxing. L’article 3 de la Convention de commerce du 20 juin 1895[12] entre la France et la Chine précise :

« Il est convenu que la ville de Sse-mao, au Yun-nan, sera ouverte au commerce franco-annamite, comme Long-tchéou et Mong-tseu et que le Gouvernement français aura le droit, comme dans les autres ports ouverts, d’y entretenir un consul, en même temps que le Gouvernement chinois y entretiendra un agent des douanes. Les autorités locales s’emploieront à faciliter l’installation du consul de France dans une résidence honorable. Les Français et protégés français pourront s’établir à Sse-mao dans les conditions prévues dans les articles 7, 10, 11, 12 et autres du Traité du 27 juin 1858, ainsi que par l’article 3 de la Convention du 25 avril 1886. Les marchandises à destination de la Chine pourront être transportées par les rivières, notamment le Lo-so et le Mé-kong, aussi bien que par les routes de terre et notamment par la route mandarinale qui conduit soit de Mong-lé, soit d’I-pang, à Sse-mao et P’ou-eul, les droits dont ces marchandises seraient passibles devant être acquittées à Sse-mao. »

 L’article 6 de cette même convention[13] concerne plus particulièrement le télégraphe :

 « L’article 2 de la Convention télégraphique entre la France et la Chine, signée à Tche-fou le 1er décembre 1888, est complétée ainsi qu’il suit : D. – Un raccordement sera établi entre la préfecture secondaire de Sse-mao et l’Annam, par deux stations qui seront Sse-mao en Chine, et Muong-ha-hin (Mong-ngay-neua), placé, en Annam, à mi-chemin de Lai-chau et de Luang-Prabang. Les tarifs seront fixés conformément à l’article 6 de la convention télégraphique de Tche-fou. »

Carte des itinéraires de Pierre-Rémi BONS D’ANTY dans le Yunnan et au Myanmar in Excursions dans le pays Chan chinois et dans les montagnes de thé (1900)

Le premier consul de France à Simao est Pierre-Rémi BONS D’ANTY, nommé le 23 décembre 1895. Il prend son poste le 2 août 1896 et y reste jusqu’en mars 1898. A la suite de son séjour à Simao, Pierre-Rémi BONS D’ANTY publie en 1900 un petit ouvrage intitulé Excursions dans le pays Chan chinois et dans les montagnes de thé[14], ainsi qu’en 1902 un article intitulé « Relation d’un voyage dans la région située au sud de Ssemao »[15]. Comme le consulat ouvert par Pierre-Rémi BONS D’ANTY était installé dans une pagode peu confortable située au milieu d’un cimetière, son successeur, Camille SAINSON, entreprend la construction d’un nouveau consulat sur un terrain de 16 000 mètres carrés dont il fait l’acquisition peu de temps après son arrivée à Simao. En raison de soucis de santé, Camille SAINSON demande à quitter Simao. Il prendra en novembre 1899 le poste d’interprète-chancelier au consulat de France à Mengzi, avant d’être nommé vice-consul de France à Hekou le 11 avril 1900.

Joseph LAUNAY succède à Camille SAINSON à Simao le 31 décembre 1898. En raison de crises de paludisme, il demande à rentrer en France en juillet 1899 et quitte finalement Simao le 31 décembre 1899. Eugène RICARD, alors qu’il est consul de France à Malte depuis août 1895, est nommé le 16 octobre 1898 au consulat de France à Simao pour prendre la suite de Joseph LAUNAY. Il ne viendra finalement pas en Chine, contraint de rester en France en raison de problèmes de santé. Finalement, c’est Joseph DAUTREMER qui succède à Joseph LAUNAY à partir de mars 1901. Son séjour à Simao sera relativement bref, puisqu’en janvier 1902, il s’installe au consulat de France à Longzhou dans le Guangxi. Il publiera le récit de son séjour dans le Yunnan en 1909 dans le Bulletin de l’Association amicale franco-chinoise[16]. Aucun successeur ne lui est désigné au consulat de France à Simao qui devient de facto une simple agence consulaire, alors administrée par le docteur SAUTAREL[17]. Début décembre 1921, Albert BODARD, consul de France à Kunming, demande la nomination d’un administrateur pour l’agence consulaire de Simao, restée sans titulaire depuis 1908. Rouverte le 22 octobre 1923, elle est confiée au docteur PAUTET, médecin major de 1ère classe des troupes coloniales[18], qui en 1928 deviendra médecin-chef de l’hôpital de Mengzi[19].

Raphaël REAU, vice-consul, gérant du consulat de France à Mengzi de septembre 1905 à septembre 1908, rédige un rapport intitulé « Le commerce de Sseu-mao et Teng-yueh en 1906 » à destination du Ministère français des Affaires étrangères. Ce rapport sera publié en 1908 dans le Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Paris[20]. Il montre notamment le fort développement de la ville de Mengzi au détriment de Simao et Tengchong (腾冲), dû principalement aux facilités de transport liées à l’avancement des travaux de construction du chemin de fer Yunnan-Vietnam. Ainsi pour 1906, la valeur du commerce extérieur du Yunnan, d’un montant total de près de 50 millions de francs, s’élève à 43,3 millions de francs pour Mengzi et à moins d’un million de francs pour Simao. Georges SOULIE de MORANT, interprète au consulat de France à Kunming entre 1907 et 1909, rédige un rapport pour le Ministère français des Affaires étrangères intitulé « Notice sur le Yunnan » qui est publié en 1909 par la Société de Géographie commerciale de Paris[21]. Ce rapport fournit de nombreux renseignements commerciaux sur le district de Simao tant du point de vue de ses importations que de ses exportations.

Présence médicale

Le docteur JAUBERT donnant des consultations à Simao en 1867 [22]

À la demande de Paul DOUMER, alors gouverneur général de l’Indochine française, des postes médicaux sont créés en 1898 auprès des consulats de France à Mengzi et Simao. Fin juillet 1898, les docteurs GAIDE et REYGONDANT quittent Hanoï pour le Yunnan. Le docteur REYGONDANT s’arrête à Mengzi tandis que le docteur GAIDE continue sa route en direction de Simao où il va séjourner du 15 septembre 1898 au 1er avril 1900. Il a pour mission de créer un poste médical au service de la population locale et commence par organiser un cabinet de consultation et une petite infirmerie à proximité du consulat. Il profite de son temps libre pour apprendre le chinois et explorer Simao et ses environs. Les résultats de ses recherches seront notamment publiés dans le Bulletin économique de l’Indochine en octobre 1899 et janvier 1900[23] et, pour ce qui concerne la situation sanitaire, dans les Rapports médicaux des Douanes de Chine en 1900[24]. En 1943, le docteur GAIDE publiera un récit de son séjour à Simao dans le Bulletin des Amis du Vieux Hué[25].

D’autres médecins militaires français ont travaillé à Simao, comme le docteur ORTHOLAN qui assiste le docteur GAIDE avant de lui succéder. Tout comme ce dernier, il publie un rapport sur la situation sanitaire de Simao dans les Rapports médicaux des Douanes de Chine[26] en 1902. Le docteur ORTHOLAN est notamment l’initiateur d’une campagne de vaccination contre la variole pour les enfants de Simao. Son successeur, le docteur G-A SAUTAREL, verra lui aussi ses études sur la situation sanitaire à Simao publiées dans les Rapports médicaux des Douanes de Chine[27] en 1903 et 1904.

Le poste médical français de Simao était encore actif en 1928, année où le docteur GAIDE, devenu inspecteur général de la Santé, suggère sa fermeture dans un courrier au Gouverneur général de l’Indochine en date du 26 juillet[28].

Présence missionnaire

Mgr Jean-Joseph FENOUIL [29]


Dans son Voyage d’Exploration en Indo-Chine, Francis GARNIER parle d’un missionnaire français nommé Kosuto par les Chinois de Simao et très habile à fabriquer des explosifs. Plus loin dans son récit, lorsqu’il évoque son arrivée à Kunming, il l’identifie comme le Père Jean-Joseph FENOUIL, dont le nom chinois était GU Fenlei (古分類), prêtre de la Société des Missions étrangères de Paris, qui avait quitté la France pour la Chine en 1847 et qui sera nommé évêque du Yunnan en 1881[30].

Les premiers missionnaires de la Société des Missions étrangères de Paris étaient arrivés dans le Yunnan en 1702[31]. Pendant plus de deux siècles, la Société des Missions étrangères de Paris a eu la charge de l’ensemble de la province du Yunnan, y compris le district de Simao. En décembre 1924, les trois premiers missionnaires français de la Congrégation du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram arrivent dans le Yunnan. Installés à Dali, ils y sont rejoints par une douzaine de leurs confrères entre 1925 et 1931. En novembre 1929, le Saint-Siège décide de séparer le sud-ouest du Yunnan du vicariat apostolique de Kunming et de confier la juridiction de ce territoire aux missionnaires de Bétharram. En décembre 1934, il est érigé en préfecture apostolique, qui deviendra le diocèse de Dali en décembre 1948. En 1940, 22 missionnaires de Bétharram œuvrent  sur ce territoire, assistés de dix religieuses de la congrégation des Filles de la Croix dont les premières étaient arrivées à Dali en avril 1934. Ils administrent ainsi le district de Simao et ses environs durant plus de vingt ans jusqu’à leur expulsion de Chine au début des années 1950[32].

Présence militaire en 1945

Suite à l’attaque lancée le 9 mars 1945 par l’armée japonaise contre l’armée française en Indochine, plus de 5 000 militaires français et indochinois trouvent refuge en Chine dans les mois qui suivent. La plupart d’entre eux pénètre en Chine par le Yunnan, d’autres par le Guangxi. Les troupes françaises sont placées sous le commandement du général Marcel ALESSANDRI. Poursuivies par les Japonais, elles arrivent en ordre dispersé en divers points de la frontière chinoise. Plus de 1 500 hommes, dont le général ALESSANDRI, se regroupent autour de Simao, les premiers groupes y arrivant le 12 mai et les derniers début juin. Exténués, sous-alimentés, souvent malades ou blessés, ils trouvent enfin un lieu où reprendre des forces.

Dans son livre sur cet épisode relativement méconnu de l’histoire de l’armée française en Indochine, Yves BREHERET écrit : « Vers le 15 mai, quelques deux mille hommes sont rassemblés autour de Sse Mao. Ce n’est pas un centre de « grand repos », mais, malgré la chaleur, c’est une ville où beaucoup peuvent enfin dormir tranquilles, se laver, panser leurs plaies et surtout se nourrir substantiellement. Nombreux sont ceux qui évoquent encore le miel et les gâteaux qu’ils y ont engloutis…[33] »

Les militaires gravement blessés ou très malades sont évacués sur Calcutta en avion par l’armée américaine depuis la base aérienne de Simao. D’autres le sont vers Kunming où la Mission militaire française locale les prend alors en charge. Pour ceux qui restent, le séjour à Simao dure en moyenne une quinzaine de jours, avant de reprendre la route en direction de Shiping (石屏). Le premier détachement, avec à sa tête le général ALESSANDRI et son état-major, quitte Simao le 23 mai et atteint Shiping le 9 juin[34]. C’est dans cette localité que se réfugie pendant plusieurs mois la majeure partie des militaires de ce que l’on a surnommé la « Colonne Alessandri ». Certains ont séjouné dans d’autres villes comme Mengzi, Kaiyuan (开远), alors appelée Amizhou (阿迷州), ou Kunming. La plupart de ces militaires ne sont retournés en Indochine qu’en janvier-février 1946.

Conclusion

Les liens historiques entre Simao et la France mériteraient une étude plus approfondie, tant du fait de leur richesse que de leur diversité, non seulement à partir de sources bibliographiques mais aussi archivistiques. Enfin, au bref historique qui précède, il conviendrait d’ajouter le jumelage établi en 2012 entre les villes de Pu’er et Libourne, comme une invitation à s’appuyer sur ces liens historiques pour susciter et développer de nouveaux liens commerciaux, académiques, culturels et touristiques entre la France et la préfecture de Pu’er, et plus largement la province du Yunnan.

Notes

  1. Le Tour du Monde 1872 p. 313
  2. GARNIER Francis, Voyage d’Exploration en Indo-Chine, in Le Tour du Monde, Nouveau Journal des Voyages, Ed. Librairie Hachette et Cie, Paris, 1872, p. 311.
  3. Op. cit., p. 322.
  4. Op. cit., p. 326.
  5. D’ORLEANS, Henri (Prince), Du Tonkin aux Indes, Ed. Calmann Lévy, Paris, 1898, pp. 29 – 117.
  6. Société de Géographie de Lille, Conférence par le Prince Henri D’ORLEANS, 12 mai 1896, Ed. Imprimerie L. Denel, Lille, 1896.
  7. In Chambre de Commerce de Lyon, La mission lyonnaise d’exploration commerciale en Chine – 1895-1897, Ed. A. Rey et Cie Imprimeurs-Editeurs, 1898.
  8. Ibid., Rapport sur le Yun-nan, p. 137.
  9. Cf. « Le Lieutenant GRILLIERES », in Bulletin du Comité de l’Asie française, No 53, Août 1905, Paris, pp. 297-301.
  10. Cf. GRILLIERES Georges, « Voyage au Yun-nan et au Thibet oriental », in La Géographie – Bulletin de la Société de Géographie, Tome XI, 1ersemestre 1905, Ed. Masson et Cie, Paris, 1905, pp. 285-292.
  11. Cf. « La mort du Lieutenant GRILLIERES », in Bulletin du Comité de l’Asie française, No 55, Octobre 1905, Paris, p. 370.
  12. « Convention complémentaire de la convention additionnelle de commerce du 26 juin 1887 entre la France et la Chine, signée à Pékin le 20 juin 1895 », Art. 3, in Recueil des Traités de la France publiés sous les auspices du Ministères des Affaires étrangères, Tome vingtième 1893-1896, Ed. A. Pedone, Paris, 1900, p. 242.
  13. Ibid. Art. 6, p. 244.
  14. In Série d’Orient No 3, La Chine, mélanges 1890-1897, No 4, Ed. Imprimerie de la Presse orientale, Shanghai, 1900.
  15. In Chine voyage et description, mélanges 1863-1902, Ed. A. Colin, Paris.
  16. DAUTREMER Joseph, « Yun-nan et Kouang-si, frontières indo-chinoises. Journal de route (octobre 1901 – juillet 1903) », in Bulletin de l’Association amicale franco-chinoise, Ed. Imprimerie Paul Dupont, Paris, 1909, 1er vol. – No 4 – Avril 1909 (pp. 274-293), 1er vol. – No 5 – Juillet 1909 (pp. 327-360), 1er vol. – No 6 – Octobre 1909 (pp. 456-475).
  17. Cf. Annuaire diplomatique et consulaire de la République française pour l’année 1906, Ed. Berger-Levrault & Cie, Paris, 1906, p. 25.
  18. BENSACQ-TIXIER Nicole, La France en Chine de Sun Yat-sen à Mao Zedong, 1918-1953, Ed. Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 151.
  19. BRETELLE-ESTABLET Florence, « Diplomatie et politique coloniale. La médecine française au Yunnan de 1898 à 1931 d'après les sources coloniales françaises et des études chinoises », in Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 84, n°315, 2e trimestre 1997. pp. 29-61 (p. 37).
  20. REAU Raphaël, « Le Commerce de Sseu-mao et de Teng-yueh en 1906 », in Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Paris, 1908, pp. 241-252.
  21. SOULIE George, « Notice sur le Yunnan », in Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Paris, 1909, pp. 195-206, 256-277.
  22. Le Tour du Monde 1872 p. 313
  23. GAIDE Laurent, « Notice géographique, climatologique et économique sur Ssemao », in Bulletin économique de l’Indochine – octobre 1899 et Janvier 1900, Ed. Imprimerie Coloniale, Saigon.
  24. GAIDE Laurent, « Rapport médical sur la situation sanitaire de Ssemao pour la période annuelle comprise entre le 1er septembre 1898 et le 31 août 1899 », in China Imperial Maritime Customs, II – Special Series No 2, Medical Reports for the Half-Year ended 30th September 1899, 58thissue, Ed. The Statistical Department of the Inspectorate General of Customs, Shanghai, 1900, pp. 64-77.
  25. GAIDE Laurent, « Souvenirs d’un séjour à Ssemao (Yunnan) et de quelques excursions dans la région des Sip-song-panas de 1898 à 1900 », in Bulletin des Amis du Vieux Hué, 30e année, No 3, Juillet-septembre 1943, pp. 267-283.
  26. ORTHOLAN, « Rapport médical sur l’état sanitaire de Szémao pendant le premier semestre 1900 », in China Imperial Maritime Customs, II – Special Series No 2, Medical Reports for the Half-Year ended 30th September 1900, 60th issue, Ed. The Statistical Department of the Inspectorate General of Customs, Shanghai, 1902, pp. 38-43.
  27. SAUTAREL G.-A., « Rapport médical sur Szémao pendant les mois d’avril, mai, juin et juillet 1901 », in China Imperial Maritime Customs, II – Special Series No 2, Medical Reports for the Half-Year ended 30th September 1901, 61st and 62nd issues, Ed. The Statistical Department of the Inspectorate General of Customs, Shanghai, 1903, pp. 46-51. SAUTAREL G.-A., « Rapport médical sur la situation sanitaire de Szémao du 1er septembre 1901 au 1er avril 1902 avec la statistique des maladies du 1er septembre 1901 au 1er avril 1902 », in China Imperial Maritime Customs, II – Special Series No 2, Medical Reports for the Half-Year ended 30th September 1902, 63rd and 64th issues, Ed. The Statistical Department of the Inspectorate General of Customs, Shanghai, 1903, pp. 30-31. SAUTAREL G.-A., « Rapport médical sur Szémao pour l’année finissant le 31 décembre 1902 », in China Imperial Maritime Customs, II – Special Series No 2, Medical Reports for the Half-Year ended 31st March 1903, 65th issue, Ed. The Statistical Department of the Inspectorate General of Customs, Shanghai, 1904, pp. 29-32.
  28. Cf. BRETELLE-ESTABLET Florence, « Diplomatie et politique coloniale. La médecine française au Yunnan de 1898 à 1931 d'après les sources coloniales françaises et des études chinoises », in Revue française d'histoire d'Outre-Mer, tome 84, n°315, 2e trimestre 1997, pp. 29-61 (p. 53).
  29. Le Tour du Monde 1872 p. 313
  30. GARNIER Francis, Voyage d’Exploration en Indo-Chine, Tome Premier, Ed. Librairie Hachette et Cie, Paris, 1873, p. 459.
  31. Cf. https://irfa.paris/zonesgeographiques/chine/
  32. Cf. OYHENART Beñat, Bétharram en Chine 1922-1952, Ed. Lulu.com, 2019, pp. 23-30.
  33. BREHERET Yves, L’odyssée de la Colonne Alessandri, La retraite de Chine – Mars 1945 – Mai 1945, Collection Troupes de choc, Ed. Presses de la Cité, 1990, p. 234.
  34. COMBES José, Indochine 1940-1945, La longue marche ou l’épopée de la colonne « Alessandri », Edition à compte d’auteur, sans date, pp. 224-227.