Connaissez-vous la concession de Kouang-Tchéou-Wan ?

De Histoire de Chine
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À la fin du XIXème, la France s’est solidement implantée en Asie avec l’établissement d’une colonie en Indochine. Les ambitions territoriales françaises se portent désormais plus au nord : vers la Chine. Ainsi va naître sur la côte du Guangdong un port censé concurrencer et surpasser Hong Kong : il s’agit de Kouang-Tchéou-Wan. Dans cet article, c’est un groupe d’historiens chinois passionnés qui nous présente cet ancien territoire français aujourd’hui totalement oublié.

Localisation de Kouang-Tchéou-Wan et du reste de l'Indochine française

La France coloniale lance de nombreux projets de pénétrations en Chine, principalement en s’appuyant sur la conquête indochinoise : c’est ainsi que, par exemple, un chemin de fer entre Hanoï et Kunming va être construit. Mais, pour établir son emprise et contrebalancer l’influence anglaise, le ministre des affaires étrangères et le ministre des colonies cherchent en particulier à concurrencer le port de Hong Kong (et dans une moindre mesure celui des Portugais à Macao).

C’est dans ce cadre que la marine française débarque à Kouang-Tchéou-Wan, au sud-ouest de Guangdong en avril 1898. Une convention est signée en novembre 1899 : la Chine cède, sous la forme d’un bail de 99 ans, un territoire situé non loin de l’île de Hainan (que la France souhaiterait d’ailleurs annexer et rattacher à l’Indochine). Ce bout de côte est une concession : la souveraineté chinoise demeure, l’administration est juste temporairement transférée aux autorités françaises. Ce territoire sera baptisé Kouang-Tchéou-Wan (广州湾, en pinyin : Guang Zhou Wan).

Carte du territoire français de Kouang-Tchéou-Wan en 1909

Fort-Bayard et l’administration coloniale

Le tout passe dès 1900 sous l’autorité d’un fonctionnaire civil qui prend le titre d’administrateur en chef et, à ce titre, représente le gouverneur général de l’Indochine avec qui il correspond directement et assure l’exécution des décisions de ce dernier.

Au centre de Kouang-Tchéou-Wan, un port idéalement situé : Fort-Bayard (chef-lieu à partir de 1910) protégé des éléments par sa géographie et suffisamment profond pour accueillir les navires les plus modernes. Cette petite ville se développe selon le style européen mais a aussi un quartier chinois en bord de mer. On y trouve un administrateur en chef à la tête de différentes agences : le Trésor, les Travaux Publics, la Justice, la Poste et le Télégraphe, la Garde indigène et la Police. Toutefois, le centre commercial du territoire demeure Tché Kam (赤坎, en pinyin : Chi Kan), une ville chinoise.

Pour attirer les investissements, le port offre des conditions douanières privilégiées et l’administration française construit : en particulier des infrastructures portuaires modernes, avec un phare sur l’île de Naozhou, mais aussi des bâtiments administratifs et tout un appareil éducatif complet – assurant une éducation francophone à la future élite chinoise du port. Pour compléter ce paysage de carte postale : une église catholique trône au centre de ce parfait petit comptoir colonial.

Le phare de Naozhou en 1905
Le Boulevard Maréchal Joffre à Fort-Bayard
Un bureau de Postes et Télégraphes
La cathédrale Saint-Victor en 1910

Un patrimoine à conserver

Toutefois, la vision de l’administration française ne se concrétise pas. Les marchands, mêmes Français, ne sont pas au rendez-vous et préfèrent toujours Hong Kong. Le territoire deviendra même la plaque tournante d’un trafic d’opium aux mains de grands marchands chinois…

Durant la Seconde Guerre Mondiale, le territoire sera occupé par le Japon à partir de 1943. L’armée chinoise en prendra le contrôle en septembre 1945 et Kouang-Tchéou-Wan sera officiellement rétrocédé par la France à la Chine à la fin de l’année. L’ancien territoire revient alors sous l’autorité de la province du Guangdong et Zhanjiang, nouveau nom de Fort-Bayard, est élevé au rang de municipalité. La nouvelle mairie est formellement établie en janvier 1946.

Aujourd’hui, le passé de Zhanjiang disparaît peu à peu. Une partie de la vieille ville a été démolie. Toutefois de nombreux bâtiments à l’architecture coloniale française si typique demeurent… pour combien de temps encore ? Heureusement, un groupe des jeunes chercheurs se consacre à la conservation de cette histoire. Ils ont rassemblé et continuent à collecter des témoignages et documents (en chinois et français) et publient des articles régulièrement. Ils organisent également des expositions et des activités culturelles. Un livre qui inclut plus de 30 entretiens sur l’époque de Kouang-Tchéou-Wan sera publié l’année prochaine.

L’ancienne résidence de l’administrateur en chef[1]
L’ancien bureau de l’administrateur en chef[2]

Pour suivre « La Correspondance des Études de Kouang-Tchéou-Wan », le compte WeChat (en chinois) exclusivement dédié à l’histoire de Guangzhouwan, scannez le QR code ci-dessous. Celui-ci a été créé en 2015 par des historiens chinois passionnés et est régulièrement mis à jour. Nous espérons que cet article sera la première pierre d’un échange fructueux entre leur association et notre Société d’Histoire. À suivre !

Sources

  1. CHEN Xiaotie
  2. CHEN Xiaotie