Hélène Hoppenot, Catherine de Bourboulon : deux femmes à la découverte de l’Asie

De Histoire de Chine

Cet article est une contribution du Souvenir Français de Chine. → Visitez le site du Souvenir Français

rédigé par Viviane Callerand

Il était une fois deux femmes, divergeant d’époques et d’origines, mais se ressemblant par leurs parcours, toutes deux épouses de diplomates français qu’elles suivirent courageusement au bout du monde, dans des milieux difficiles et même hostiles. Surtout, ouvertes d’esprit et animées d’une grande curiosité, elles laissèrent chacune des traces incroyables, des témoignages riches de leur expérience en Chine, notamment à Pékin.

Hélène Hoppenot

Hélène Hoppenot
Pékin, cérémonie, intérieur de l'ambassade, 1933

Lorsque l’on s’intéresse à l’histoire de la Chine et des Français dans les années 1930, un personnage incontournable apparaît : il s’agit d’Hélène Hoppenot.

Résidence du Docteur Bussières aux environs de Pékin, sur les collines de l'Ouest, Violaine et Hélène Hoppenot, Lucien Colin (secrétaire interprète - debout contre la colonne) et le docteur Bussières (médecin de la Légation), 1933

Née en 1896, Hélène Delacour épouse le diplomate Henri Hoppenot (1891-1977) en 1917. Elle l’accompagne alors aux quatre coins du monde pendant toute sa carrière diplomatique – qui s’étend sur quarante années – , allant notamment de Berne à Washington, en passant par Montevideo et Pékin. Mais Hélène Hoppenot n’est pas simplement une épouse de diplomate qui suit son mari. Ecrivaine, traductrice, musicienne, mais surtout photographe, elle est une intellectuelle et une artiste engagée qui s’intéresse aux cultures qu’elle découvre et aux personnes qu’elle rencontre. Ainsi, elle est notamment amie avec le compositeur Darius Milhaud (1892-1974) et son épouse Madeleine (1902-2008), l’écrivain Paul Claudel (1868-1955), ou encore le poète et diplomate Saint-John Perse (Alexis Leger, 1887-1975). Si son séjour en Chine est relativement bref (1933-1937) à l’échelle d’une vie, elle en laisse toutefois une documentation passionnante et très utile, décrivant tout ce qu’elle voit à travers sa correspondance, son journal, mais surtout ses innombrables clichés. Ainsi, grâce à elle l’on dispose d’images de la vie quotidienne des Chinois, dans les campagnes, dans les villes, à Pékin, mais aussi des Français. Sa collection comporte en effet beaucoup de clichés de l’ancienne légation, des bâtiments, des employés, d’événements officiels, mais aussi et surtout des clichés plus personnels de ses amis, de sa famille.

Aujourd’hui, la collection de plus de 1000 photographies prises par Hélène Hoppenot est conservée aux Archives du Ministère des Affaires Etrangères, qui en présente un échantillon en exposition virtuelle, parmi lesquelles figurent les clichés suivants.

Catherine de Bourboulon

Au siècle précédent, une autre femme, française d’adoption, pose son regard sur l’Asie, notamment sur Pékin et la toute naissante légation française.

Catherine de Bourboulon [1]

Née en Ecosse en 1827 dans une famille d’aristocrates, Catherine Fanny Mac Leod immigre aux Etats-Unis avec sa mère et sa famille maternelle cinq ans plus tard. Adolescente, elle suit sa tante, épouse d’un diplomate espagnol, en Amérique latine, prenant goût aux voyages. Plus tard,  âgée de 24 ans, elle épouse Alphonse de Bourboulon, diplomate français qui est peu après posté en Chine. Elle le suit alors en Asie, notamment à Shanghai et à Pékin, où elle vit l’attaque de la légation française. Curieuse de tout, Catherine de Bourboulon prend des notes précises et esquisse des croquis de tout ce qu’elle voit, les gens, leurs coutumes, la société, les cités, les palais princiers, la toute récente légation française – mise en place par son époux – , mais aussi les conflits et les dangers, n’hésitant pas, pour ce faire, à par exemple se vêtir en homme. Elle constitue ainsi un véritable puits d’informations, extrêmement riche et utile pour connaître et comprendre la Chine de l’époque. Après dix années dans ce pays, lorsqu’ils en sont à rentrer en France, en 1862, elle convainc son mari de suivre la voie terrestre plutôt que maritime, afin de traverser la Mongolie du sud au nord, soit un périple de près de 10000 kilomètres. Le récit de Catherine de Bourboulon concernant cette aventure à travers la steppe, le désert aride et la montagne est publié sous forme de feuilleton dans la revue Le Tour du Monde, sous le titre de Relations de voyage de Shanghai à Moscou par Pékin, en 1864, puis plus tard, en 1866, par Achille Poussielgue, dans un ouvrage intitulé Voyage en Chine et en Mongolie de M. de Bourboulon, ministre de France et de Madame de Bourboulon, 1860-1861.

Catherine de Bourboulon s’éteint en 1865 en France, à l’âge de 38 ans, des suites d’une maladie contractée lors de son aventure. Elle laisse le souvenir d’une femme courageuse, téméraire, curieuse de tout, passionnée par les cultures et coutumes des civilisations différentes, qu’elle observe tantôt avec innocence, tantôt avec clairvoyance, en tentant de les comprendre.

Indépendantes, aventurières parfois intrépides animées par la découverte et la compréhension de l’Autre, Catherine de Bourboulon et Hélène Hoppenot sont ainsi des personnages clefs pour la connaissance des événements marquants mais aussi de la vie quotidienne des Français en Chine et dans le Pékin d’autrefois. Observatrices sans prétention écrivant ou photographiant d’abord pour elles-mêmes, elles ont ainsi constitué un legs exceptionnel désormais accessible au public.

Sources

  • Archives du Ministère des Affaires Etrangères, fonds Hélène Hoppenot
  • Bibliothèque Nationale de France
  • Hélène Hoppenot, Regards sur la Chine, 1933-1937, exposition en ligne
  • Chine, texte de Paul CLAUDEL, photographies d'Hélène Hoppenot, Genève, Editions d'Art Albert Skira, 1946
  • DRONSART (Marie), Les Grandes voyageuses, Paris, Hachette, 1909
  • MONNIER (Victor), « Henri Hoppenot », Dictionnaire historique de la Suisse (en ligne)
  • POUSSIELGUE (Achille), Voyage en Chine et en Mongolie de M. de Bourboulon, ministre de France et de Madame de Bourboulon, 1860-1861, Paris, Hachette, 1866
  • Revue Le Tour du Monde.

Notes

  1. Achille Poussielgue, Voyage en Chine et en Mongolie