Il était une fois... le French Bund

De Histoire de Chine

Rédigé par David Maurizot

Le Bund. Ses restaurants de luxe. Sa promenade en bord de rivière. Ses touristes qui viennent admirer les tours futuristes de Lujiazui.

On ne peut l’arpenter sans songer à ce passé qui nous semble aujourd’hui totalement révolu, si lointain. Seules restent ces imposantes constructions datant des années 30.

Mais le Bund d’autrefois a-t-il vraiment été préservé dans toute son intégralité ? Avez-vous, par exemple, déjà entendu parler du French Bund ? Et qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

Le Quai de France

Carte du front de rivière datant des années 20


Charles de Montigny, premier Consul de France à Shanghai, débarque sur les rives du Huangpu le 25 janvier 1848. Il est pressé : la perfide Albion y fait déjà flotter l’Union Jack depuis quelques années. La France doit rattraper son retard.

Après 15 mois de longues et difficiles négociations, un étroit territoire dédié aux Français est concédé par les autorités chinoises. Il est délimité, au sud, par les hauts murs de la ville chinoise (encore aujourd’hui visibles sur une carte, il s’agit de « l’ovale » que forment Remin Lu et Zhonghua Lu) et au Nord, par le territoire concédé aux Anglais (le Bund d’aujourd’hui).

Le Quai de France à la fin des années 30

En avril 1849, notre diplomate n’est pas peu fier. Il a réussi sa mission : établir un territoire sous administration française à Shanghai. Il plante orgueilleusement le drapeau tricolore sur ces quelques arpents de marécages. Il baptise alors la petite route boueuse qui borde le Huangpu du pompeux nom de « Quai de France ». L’honneur de la Patrie est sauf.

The French Bund

Le Quai de France s’étirait de Yan’an Lu (où finit la ligne 71 du nouveau tramway), vers le Sud jusqu’à Dongmen Lu (où se trouve la tour de l’Hôtel Indigo).

Petit frère du prestigieux Bund, et se situant dans sa continuité, il va rapidement prendre le nom de « French Bund » (法兰西外滩 / Fa Lan Xi Wai Tan en chinois).

S’y installent quelques grandes maisons de commerce, dont la Compagnie des Messageries Maritimes, grand armateur français de l’époque, et Butterfield & Swire, une maison de commerce anglaise. Le Consulat français s’y établit également, hissant les couleurs françaises au sommet d’un immense mat.

Cependant, malgré l’actif soutien consulaire, l’activité économique de l’enclave française n’atteindra jamais celle de la communauté anglo-saxonne. Le Bund français sera toujours un cran en-dessous de son frère aîné – abritant plus d’entrepôts et moins de bâtiments prestigieux.

Deux témoins bien solitaires

Le Bund dans sa totalité à la fin des années 30 (vue du nord)

Sur les « deux Bunds », les constructions des années 30 vont survivre jusqu’aux années 80.

Face à la frénésie immobilière qui saisit Shanghai au moment de la (ré-)ouverture économique, les autorités municipales décident de conserver le « Bund anglais » et d’élever, en face à Lujiazui, un quartier d’affaires ultra-moderne.

Moins imposant, le Bund français n’aura pas ce privilège. Il sera méthodiquement rasé – en commençant par l’ancien Consulat, détruit au milieu des années 80 – et remplacé par de nouvelles structures.

Aujourd’hui, il ne reste plus que deux des bâtiments historiques de l’ancien Quai de France : celui des Messageries Maritimes (N°9 Zhongshan Dong Er Lu / 中山东二路9号) et celui du groupe Butterfield & Swire (N°22 Zhongshan Dong Er Lu / 中山东二路22号).

Publicité des Messageries Maritimes dans le journal francophone de Shanghai, l’Echo de Chine, en août 1917

Les Messageries Maritimes

La Compagnie des Messageries Maritimes fut pendant des décennies l’une des compagnies les plus puissantes du territoire français de Shanghai. Ses « agents généraux », envoyés en Chine avec leur famille, logeaient dans de luxueuses villas avec jardin et disposaient de voitures avec chauffeur. Hommes d’influence, ils exerçaient le plus souvent de hautes responsabilités au Conseil Municipal ou à la Chambre de Commerce française.

En 1937, les bureaux de la Compagnie sur le Quai de France furent reconstruits en grand : un immeuble de plus de 10 étages dans le style le plus moderne de l’époque, l’Art-Déco.

Préservés, ils abritent aujourd’hui les Archives municipales de la ville de Shanghai, avec à sa base un musée inconnu du grand public. Libre d’accès et gratuit, il est ouvert du lundi au samedi de 9h à 17h. Vous pourrez y admirer des archives passionnantes retraçant l’histoire de la ville.