Le Père Huc ou le triomphe de la foi

De Histoire de Chine

Cet article est une contribution du Souvenir Français de Chine. → Visitez le site du Souvenir Français

rédigé par Claude Jaeck

Evariste Huc en 1839, avant son départ pour la Chine

Le Père Huc est le premier francais à pénétrer au Tibet en 1846 ; et l’un des premiers Européens à en sortir vivant…

De 1841 à 1851, il parcourt la Chine, la Tartarie, le Tibet, « accroupi sur une misérable brouette » ; « hissé sur un énorme charriot auquel se trouvait attelés pêle-mêle des chevaux, des bœufs, des mulets et des ânes » ; « à califourchon sur un petit âne gris » ; à dos de chameau ; en jonque ;  sur ses jambes, qu’il a « rarement trouvées complaisantes » ; et même sur son derrière, seul moyen d’atteindre une vallée glissant du haut d’une montagne glacée.  Adoptant le costume, les usages des contrées traversées, le père Huc affronta, avec une vigueur et un humour inaltérables, le sable, la boue, la neige, la glace, les naufrages, les ponts délabrés, les précipices, les brigands, les aubergistes, et les tracas de l’administration… Il brossa à son retour un tableau irremplaçable de la vie quotidienne en Chine. Ce prodigieux témoignage, véritable roman d’aventure, parut en 1850 alors que le père Huc était encore en Chine, puis en 1854 sous les titres « Souvenir d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet » et « L’Empire Chinois »

Initéraire du Père Huc

Régis Evariste HUC est né le 1er juin 1813 à Caylus (Haute-Garonne), passe son enfance à Nègrepelisse avant d’être admis au Grand Séminaire. Désireux de servir les missions étrangères, il obtient son transfert à Paris dans la congrégation des Fils de Saint-Vincent-de-Paul, dit des « Lazaristes ». Ordonné prêtre le 28 janvier 1839 par l’archevêque de Paris, il ne perd pas de temps et embarque le 6 mars au Havre, à destination des missions de Chine.

Par une lettre à ses « bons et biens chers parents », il leur annonce son arrivée le jour-même à Batavia, port de l’ile de Java. Il est encore à 2600 km de sa destination, la petite colonie fondée en 1517 par les Portugais à Macao. C’est là que les Lazaristes ont établi les quartiers généraux de leurs missions de Chine. Macao est alors une des rares portes de l’empire du Milieu entrouverte aux Occidentaux. Monsieur Huc, ainsi le nomme-t-on désormais, selon l’usage des missions, débarque à Macao le 31 juillet 1839. Il y restera 18 mois. Le temps de se familiariser avec la langue, le climat, et avec les dangers du pays… Six semaines après son arrivée, des persécutions se déclenchent contre les missionnaires. Loin d’intimider le jeune toulousain, la nouvelle renforce sa détermination. On le juge prêt à rejoindre son affectation : la Tartarie (la Mongolie)  qu’il évangélisera sous la direction du vicaire apostolique Mgr Joseph Martial Mouly.

« Il fut décidé que je partirais le samedi 20 février [1841], vers les sept heures du soir. Vers les six heures, on me fit la toilette à la chinoise, on me rasa les cheveux à l’exception de ceux que je laissais croitre depuis bientôt deux ans au sommet de la tête ; on leur rajouta une chevelure étrangère, on tressa le tout et je me trouvais en possession d’une queue magnifique qui descendait jusqu’aux jarrets. Mon teint passablement foncé fut encore rembruni par une couleur jaunâtre ; mes sourcils furent découpés à la façon du pays ; de longues et épaisses moustaches que je cultivais depuis longtemps dissimulaient la tournure européenne de mon nez ; enfin, les habits chinois vinrent compléter la contrefaçon. »

Ce déguisement a l’avantage de le faire passer inaperçu et le rendre le moins différent possible des gens auxquels il va porter la bonne parole. Il s’adaptera ainsi à tous les milieux par où il passe – Mongolie, Chine, Tibet – adoptant à chaque fois la langue, les vêtements, les usages, la cuisine, la manière de vivre.

Ainsi déguisé il mettra trois mois pour atteindre Pékin pour arriver aux portes de la Mongolie le 17 juin 1841. Il y travaillera trois ans se préparant à enfin partir pour la grande aventure le 10 septembre 1844 en compagnie de Joseph Gabet (1806-1854), un confrère originaire du Jura ; d’un jeune lama ; de trois chameaux ; un cheval blanc ; un mulet et un gros chien nommé Arsalan, ce qui veut dire Lion en mongol. Voilà l’équipe que Mgr Mouly à charge d’évangéliser la Tartarie.

Les deux hommes ont compris que pour opérer des conversions et agir sur l’âme chinoise, il fallait étudier la religion bouddhiste. Apres s’être familiarises avec sa doctrine, il leur fallait parachever leur enquête en allant à Lhassa, ville sainte et capitale du Tibet où une longue et difficile errance les amena, le 29 janvier 1846.

Bien accueillis dans cette ville par les Tibétains, ils seront très vite suspects à l’autorité chinoise. Ki-Chan, le représentant de l’empereur au Tibet, prononce leur expulsion au bout de six semaines. Ainsi s’achève la première partie de l’aventure du père Huc, racontée dans les deux volumes de Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet, parus en 1850.

Ils étaient les premiers étrangers à visiter Lhassa depuis Thomas Manning en 1811-1812 et 85 ans avant le passage de la première femme occidentale, Alexandra David-Néel.

Sources

Inspiré de l’excellente préface de Francis Lacassin dans la réédition des ouvrages du Père HUC, Edition Omnibus.