Les canonnières françaises du Yang-Tsé

De Histoire de Chine

Cet article est une contribution du Souvenir Français de Chine. → Visitez le site du Souvenir Français

Les canonnières françaises du Yang-Tsé occupent une place particulière dans l’histoire de la présence française en Chine. Ces frêles embarcations voguant sur les milliers de kilomètres du tumultueux et mythique Yang-Tsé – alors appelé fleuve Bleu – ont marqué les imaginations des contemporains et les mémoires des marins y ayant servis.

Au fil des ans, le Souvenir Français de Chine s’est évertué à faire revivre cette épopée unique dans une série d’articles dont vous trouverez les liens dans le récit historique ci-dessous. Une bibliographie y est également proposée. N’hésitez pas à nous contacter si vous disposez de récits, de photos et de témoignages à nous faire partager ou de remarques et corrections à apporter à l’un de nos textes.

La canonnière Doudart de Lagrée à Chongqing en 1909

Contexte historique

Membres de la commission d’exploration du Mékong (Société de Géogrpahie, 1868)

Au XIXème siècle, après la défaite de Napoléon à Waterloo, la France est d’abord maintenue sous étroite surveillance par les autres puissances européennes – au premier rang desquelles est le Royaume-Uni. Elle n’osera se libérer du joug de « l’ordre de Vienne » qu’avec l’arrivée au pouvoir au milieu du siècle d’un autre Bonaparte : Napolélon III et son Second Empire.

Or, en Extrême-Orient, les Britanniques avaient pris de l’avance : avec leur victoire sur l’Empire chinois – consacrée par la signature du Traité de Nankin en août 1842 – ils étaient déjà installés dans cinq ports chinois (Canton, Amoy (Xiamen), Fuzhou, Ningbo et Shanghai) et avaient annexé l’île de Hong Kong. Ce n’est donc que 16 ans plus tard, à partir de 1858, que l’implantation française va se concrétiser en Asie : la Cochinchine est d’abord officiellement annexée en 1862, le Cambodge est ensuite placé sous protectorat en 1863, puis sous la Troisième République, le reste du Vietnam – par la Guerre franco-chinoise – est annexé en 1883. Enfin, en 1887 était ainsi créé l’Indochine française.

Entre temps, de 1866 à 1868, une mission d’exploration géographique conduite par les officiers Ernest Doudart de Lagrée et Francis Garnier sur le Mékong, puis sur le Yang-Tsé en Chine, avait fait apparaître l’intérêt de créer une artère commerciale entre le Tonkin et le Yunnan chinois pour poursuivre l’expansion française dans la région.

L’empreinte de Paul Doumer, Gouverneur général de l’Indochine

Paul Doumer (par Eugène Pirou, 1905)

Ce n’est qu’en 1897 avec l’arrivée de Paul Doumer comme Gouverneur général de l’Indochine, que cette vision se concrétisera et que la sphère d’influence française s’affirmera en Chine. Particulièrement actif dans la mise en place du projet ferroviaire reliant Hanoï à Yunnanfou (aujourd’hui Kunming), il ira jusqu’à faire campagne pour l’annexion du Yunnan et d’île de Hainan.

Le gouvernement chinois finira par céder, en partie, aux demandes françaises et le 10 avril 1898 était signé le Traité de Kuang-Tchéou-Wan. Outre la concession, dans l’ouest du Guangdong, de la baie de Kouang-Tchéou-Wan (aujourd’hui Zhanjiang), que le Gouverneur de l’Indochine imaginait pouvoir transformer en un équivalent de Hong Kong, la France obtenait la construction du chemin de fer tant désiré, véritable axe de pénétration française en Chine.

Car Paul Doumer visait loin : pour lui, une seconde liaison ferroviaire entre Yunnanfou et Chongqing devait être également construite, permettant à la France de venir concurrencer l’emprise du Royaume-Uni au Sichuan, région chinoise réputée pour sa richesse. En bref, avec ce moderne chemin de fer, la France détournerait vers Hanoï et l’Indochine française l’antique flot commercial, celui du Yang-Tsé, qui s’écoulait entre Chongqing et Shanghai – bien évidemment au détriment de l’Angleterre.

Les canonnières françaises sur le Yang-Tsé

C’est dans ce contexte de lutte d’influence que l’Amirauté britannique avait décidé dès 1896 de l’envoi de deux canonnières sur la partie haute du fleuve, celle baignant le Sichuan. Le Traité de Tien-Tsin (Tianjin), imposé à la Chine en 1858 lors de la Seconde Guerre de l’Opium, permettait en effet aux navires étrangers – y-compris militaires – de naviguer librement et sans contrôle sur le Yang-Tsé.

Le lieutenant de vaisseau Hourst

La Marine française y suivra la Perfide Albion en 1901 avec une première canonnière, l’Olry, commandée par le lieutenant de vaisseau Hourst (cf. première partie du récit). Celui-ci va alors effectuer un relevé hydrographique du Haut-Fleuve et de ses affluents (dans l’espoir, déçu, de trouver un lien naturel vers le Mékong ou le Fleuve Rouge) qui pavera la voie de ses successeurs. C’est en 1902 lors de cette véritable expédition qu’il fera élever une caserne à Chongqing (dont les bâtiments et plaques commémoratives ont été préservés jusqu’à aujourd’hui), mais aussi un autre établissement plus modeste à Suifou (aujourd’hui Yibin), à l’extrême fin de la partie navigable du Yang-Tsé (cf. deuxième partie du récit).

Après 1917, alors que les grandioses projets de Paul Doumer sont peu à peu abandonnés, la petite flottille française du Yang-Tsé va connaître ses grandes années dans un climat politique chinois dominé par l’instabilité et le règne des Seigneurs de la guerre (cf. troisième partie du récit). En 1927, avec l’arrivée au pouvoir du Kuomintang de Tchang Kaï-chek et la relative stabilité politique qui s’en suit, l’activité des canonnières sur le fleuve se trouve ensuite réduite dans des missions de routine (cf. quatrième partie du récit).

Le Balny sur le Haut-Yang-Tsé, 1936-1938[1]

Le déclenchement de la Guerre sino-japonaise en 1937 mettra fin, en pratique, à la libre circulation sur le fleuve. Finalement, le Francis Garnier, stationné à Shanghai, prendra la route de l’Indochine le 17 septembre 1940, tandis que le Balny, coincé à Chongqing, sera désarmé le lendemain, 18 septembre. La flottille du Yang-Tsé sera officiellement dissoute le 22 octobre 1941 (cf. cinquième et dernière partie du récit).

4000 marins se sont succédés au sein de la flottille des canonnières françaises du Yang-Tsé. Certains en ont laissé des notes. D’autres des photos. Beaucoup en rapporteront le souvenir indélébile de ces paysages chinois si envoutant.

Bibliographie

Références

  1. photographie du Lieutenant de Vaisseau Maurice Fournet