Les observatoires météorologique et astronomique de Zi-Ka-Wei et Zo-Sé

De Histoire de Chine

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rédigé par Charles Lagrange

Dès le début du XVIIème siècle et ce pendant presque 150 ans,  les jésuites avaient dirigé l’observatoire de l’empereur à Pékin, initiant par là même une longue tradition d’appui scientifique aux autorités chinoises. Dès qu’ils purent reprendre pied au Kiangnan en 1842, ils n’auront de cesse de redéployer cette expertise au service de tous et ce, au travers de deux institutions qui auront une renommée mondiale : l’observatoire météorologique de Zi-Ka-Wei (Xu Jia Hui) crée en 1873, et l’observatoire astronomique de Zo-Sé (She Shan) construit en 1901.  

Une extension naturelle de l’implantation à Zi-Ka-Wei

Lunette de calcul de longitude / latitude

Les jésuites étaient installés dans le domaine de Zi-Ka-Wei (Xu Jia Hui), qui leur avait été donné en 1842 en compensation des terrains et bâtiments de Sung-kiang (Songjiang), siège de la mission du Kiangnan avant les grandes persécutions du siècle précédent.

Dans ce domaine, qui jouxtait la sépulture du premier évêque chinois Paul Siu (Xu Guanqi) mort en 1637, ils y avaient construit une église à la gloire de St. Ignace de Loyola, fondateur de l’ordre, ainsi d’ailleurs qu’une école de traducteurs qui deviendra le fameux collège St. Ignace.

En 1873, à peine vingt ans après le déploiement des activités de charité et d’enseignement, naquit l’observatoire de Zi-Ka-Wei,

L’observatoire avait été crée à l’initiative du père Gotteland, père fondateur du domaine de Zi-Ka-Wei. Des instruments astronomiques comprenant un télescope avaient été amenés par les premiers arrivants dès 1842. En 1865, le père Henri Le Lec devint professeur de sciences à l’école St Ignace et 7 ans plus tard, il fonda une première station d’observations météorologiques dans le jardin du domaine.    

En Novembre 1872, il fut décidé de créer un véritable observatoire, ainsi d’ailleurs qu’un musée d’histoire naturelle qui deviendra la « collection Heude ».

En septembre 1873 fut terminé la construction des bâtiments, à l’est du domaine, le long de la rivière Siccawei (Zhaojiabang creek), comprenant une salle des instruments, une bibliothèque et la chambre des pères.

Le père Le Lec s’adjoint l’aide de deux éminents collègues : les pères Augustin Colombel qui dirigera l’établissement pendant les deux premières années, et surtout le père Marc Dechevrens, un scientifique brillant qui le dirigea pendant les 10 ans qui suivirent.

Dès 1873 furent publiées les observations météorologiques de la région et en janvier 1877 sera publié le premier « Bulletin mensuel de l’observatoire magnétique et météorologique de Zi-Ka-Wei »

Développement des domaines de compétence

Des simples mesures météorologiques faites au début, l’équipe des chercheurs de l’observatoire orienta ses études vers le magnétisme terrestre.

Dès 1887 apparaîtront des communications de l’observatoire dans l’Annuaire de la Société Météorologique de France.

En 10 ans, pas moins de 21 études spéciales sur la physique du globe furent publiées à Zi-Ka-Wei. Parmi celles-ci, notons des recherches sur les variations horizontales et verticales de la vitesse du vent, qui avaient été réalisées sur un anémomètre géant construit dans la cours de l’observatoire.

Parmi celles-ci figurent également des études sur les cyclones, ainsi que sur les variations magnétiques lors des éclipses de lune.

En 1908 la ligne de tramway fut prolongée par les autorités de la Concession française jusqu'à Zi-Ka-Wei. Cette ligne induisit tellement d’interférences que tous les instruments de mesure du champs magnétique furent transférés à Lukiapang (Lujiabang), à mi-distance entre Changhai et Soochow (Suzhou) dans des installations construites tout exprès..

En 1889, le père Deschevrens dût rentrer en France pour raisons de santé et le père Stanislas Chevalier lui succéda. Celui-ci avait entrepris un long voyage au Sichuan pendant lequel il procéda à de nombreuses observations géographiques qui lui permirent de publier un atlas détaillé de la haute vallée du Yang Tsé, œuvre qui fut une référence pendant des décennies.

Le père Chevalier publia en outre de nombreuses études sur les tempêtes, les moussons, ainsi que sur les variations de pression atmosphérique en Sibérie et en Extrème-Orient.

Peu après, il orienta ses études vers l’astronomie et il fut décidé d’acquérir un double télescope qui sera amené à Changhai en 1901.

L'observatoire de Zo-Sé

Le télescope fut installé au sommet de la colline de Zo-Sé (She Shan), à 30 kilomètres à l’ouest de la ville, colline qui était au départ un lieu de villégiature des pères, qui était aussi le siège du séminaire depuis 1843, et qui deviendra un lieu de pèlerinage important et sur lequel fut érigée une basilique en 1932.

Dès le début du XXème se développa donc à Zo-Sé une expertise sur les positions et les magnitudes des étoiles et planètes. En effet, le télescope était doté d’un système d ‘enregistrement photographique et il permit à l’équipe de contribuer à l’avancement des connaissances sur les constellations, les comètes, la lune, le soleil et plus particulièrement les taches solaires, Jupiter, etc…

Trois ans plus tard fut crée un département d’études sismiques, faisant suite au don par le gouvernement japonais d’un pendule « Omori ».

En 1909 lui sera adjoint un pendule astatique vertical « Wiechert » et en 1914, un sismographe « Galitzin ».

Suivirent alors et ce jusqu’à la fin de la présence des jésuites à Zo-Sé, une série impressionnante de publications sur la sismologie terrestre.

(Note: l’observatoire existe toujours aujourd’hui et son musée comprend la plupart des instruments de l’époque).

Les Services météorologiques de Zi-Ka-Wei

L'observatoire de Zi-Ka-Wei

Le typhon qui dévasta la région de Shanghai le 31 juillet 1879 fut amplement décrit dans un article qui fit grande impression parmi les tous les marchands de Changhai. Il fut décidé d’organiser un service de veille et d’en confier la gestion à l’observatoire.

Chose fut promptement faite et dès 1882 l’observatoire publiait un communiqué transmis à tous les journaux de la ville et qui donnait toutes les données météorologiques du jour ainsi que les prévisions du lendemain.

Robert Hart, Directeur général des Douanes Maritimes chinoises, prêta immédiatement son concours à l’observatoire en aménageant des postes d’observation dans tous les bureaux de douane du pays.

Le sémaphore du Bund

En 1884, le conseil municipal de la concession française finança la construction d’un sémaphore bâtit sur le Bund, à la frontière entre les deux concessions (intersection Yanan lu/Waitan) et relié par télégraphe à l’observatoire.

À dater de cette année, le service de météorologie de l’observatoire émettra tous les jours ses deux bulletins au service de tous.

La qualité du service s’améliorera avec le temps :

  • Dès 1896 des cartes furent établies quotidiennement et affichées au sémaphore.
  • En 1898, de nouveaux codes furent établis pour mieux décrire la position des cyclones, l’importance des dépressions, la direction du vent, les marées, etc. De plus, ces codes furent adoptés par les douanes dans toute la Chine.
  • En 1906 le sémaphore qui n’était qu’un mat haubané fut construit en dur (le bâtiment – bien qu’ayant été déplacé lors de la construction du viaduc de Yanan lu - peut toujours être admiré aujourd’hui).
  • Plus tard, en 1913, le Conseil municipal donnera accès à son système de TSF.
  • Dès 1914 tous les navires recevront les bulletins par TSF deux fois par jour.
  • En 1918 les codes furent complétés et de plus, l’observatoire proposera à tous les capitaines de navires un service d’étalonnage des baromètres et des chronomètres.  

Que ce soit en astronomie ou en météorologie, les observatoires opérés par les jésuites ont donc été une source vitale d’information pour tous les marchands et les marins croisant en mer de Chine et leurs compétences rayonneront d’ailleurs bien au delà de celle-ci …