La Gazette de Changhai : (47) Le règne des seigneurs de la guerre autour de Changhai
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Rédigé par Charles Lagrange
Après avoir décrit la situation dans le Nord et le centre de la Chine, voyons maintenant quelle était la situation autour de Changhai. Bien avant de devenir une région autonome, Changhai a longtemps été disputée entre le Jiangsu et le Zhejiang. C’est de la guerre entre les armées de ces deux provinces et de ses instigateurs dont nous allons parler aujourd’hui.
La guerre entre le Jiangsu et le Zhejiang
À l’été 1924, la clique du Zhili, conduite par le Président Cao Kun et supportée militairement par Wu Peifu, contrôlait la plupart du territoire chinois et le « gouvernement du Beiyang » avait bénéficié de la reconnaissance des grandes puissances occidentales.
Les guerres intestines qui vont se prolonger tout au long des années 1924 à 1927 ont comme objet initial la prise de contrôle de la région de Changhai, métropole et port le plus important de Chine.

Changhai fait alors légalement partie de la province du Jiangsu, et se trouve être en cette année 1924 sous le contrôle du général Qi Xieyuan, membre de la clique de Zhili.
Qi est né en 1885 et fait ses études à l’académie militaire de Tianjin, puis à l’académie militaire du Japon. Il gravit les échelons militaires pour se retrouver en 1917 gouverneur militaire de Nankin et adjoint au gouverneur du Jiangsu, Anhui et Jiangxi.

Changhai est cependant administrée par Lu Yongxiang comme faisant partie du Zhejiang, dernière province encore contrôlée par la clique défunte de l’Anhui et dont l’existence n’est que tolérée.
En septembre, la bataille s’engage lorsque les autorités du Zhejiang refusent de céder l’administration de la cité à Qi Xieyuan. Zhang Zuolin et le Docteur Sun Yat-sen soutiennent le Zhejiang et ceci met bien entendu le feu aux poudres.
En effet la clique du Fengtian cherchait à en découdre avec celle du Zhili depuis leur défaite dans le conflit qui avait opposé Wu Peifu et Zhang Zuolin lors de leur premier conflit pour le contrôle de Pékin pendant la première moitié de 1922.

La clique du Zhili de son côté avait fort surestimé ses forces et se trouve fort démunie quand la deuxième guerre avec le Fengtian se déclare.
Le 3 novembre, la bataille est remportée par Zhang Zuolin et Feng Yuxiang, et le Zhili perd alors toutes ses provinces du Nord.
Les combats se poursuivent cependant en janvier 1925 dans ce qui a été appelé la « deuxième guerre entre le Jiangsu et le Zhejiang », lorsqu’une expédition conjointe des troupes du Anhui et du Fengtian, reprennent le contrôle de Changhai. Encerclé et sans support, le général Qi Xieyuan démissionne, cède le commandement de ses troupes à Sun Chuanfang et s’enfuit au Japon. Il reviendra en 1930 et défiera Tchang Kaï-chek dans ce qu’on a appelé la « guerre des plaines centrales » entre les satrapes locaux et le Guomindang. Il sera défait et se réfugiera dans la Concession anglaise de Tianjin. Il reprendra du service en 1937 pour le gouvernement fantoche de Wang Jingwei et après la libération, il sera fusillé.
Lu Yongxiang
Lu Yongxiang nait le 22 octobre 1867 à Jiyang (Shandong). Il rejoint l’armée du Beiyang et y devient commandant de brigade en 1895.
Lors de la proclamation de la République, Lu est nommé commandant de la 10e division de cette armée et est posté au Zhejiang. Il prend fait et cause pour la clique de l’Anhui dirigée alors par Duan Qirui et récompensé pour sa fidélité, il est nommé gouverneur militaire du Zhejiang en août 1919.
En septembre 1924, lorsque Qi Xieyuan tente de prendre le contrôle de Changhai, il s’y oppose et déclenche les hostilités. Lorsque qu’il voit que ses troupes allaient être défaites, il s’enfuit au Japon le 13 octobre 1924.
Lorsque Duan Qirui organise son coup de force à Pékin le 11 novembre, il désigne Lu Yongxiang comme gouverneur militaire de la province du Zhili (Hebei, Pékin et Tianjin aujourd’hui). Il est remplacé après un mois et est nommé gouverneur du Jiangsu lorsque l’expédition conjointe du Anhui et Fengtian reprend brièvement Changhai.
Il quitte ses fonctions en août 1925 et lorsque Sun Chuanfang envahit la province, il se réfugie à Tianjin où il vivra en réclusion et y mourra en mai 1933.
Sun Chuanfang et la ligue des 5 provinces

Sun Chuanfang, le « seigneur de la guerre de Nankin », quoique moins connu et moins populaire, est celui qui a « régné » sur les régions les plus riches.
Né au Shandong, gradué de l’académie de Baoding en 1906, il complète ses études au Japon.
En 1920, il est remarqué par Wu Peifu et est nommé commandant des troupes du Fujian.
Dès cette époque, il lie des relations étroites avec les puissances occidentales à Changhai et en six ans, il étend son contrôle sur cinq provinces : le Jiangsu, le Fujian, le Zhejiang, l’Anhui et le Jiangxi. Il établit sa capitale à Nankin et appelle la zone : la « ligue des 5 Provinces ».
Alors que son mentor Wu Peifu se débat au Nord et espère une aide lui venant du Sud, Sun Chuanfang buvait et faisait de la poésie à Nankin...

En 1926, Sun se déclare neutre lors du démarrage de « l’expédition du Nord » dont nous reparlerons, et sollicite même une conférence de paix, voulant épargner les horreurs de la guerre à ses populations.
Ceci ne l’empêche cependant pas quelque temps après de tenter barrer la route à Tchang Kaï-chek, plongeant toute la région dans un bain de sang. Il sera finalement chassé et se réfugiera à Dalian.
En novembre 1935, il sera assassiné par Shi Jianqiao, la fille du général Shi Congbin que Sun avait fait décapiter en octobre 1925. Shi se rendra aux autorités mais sera graciée par le Guomintang, son acte ayant été jugé comme « guidé par la piété familiale ».
L’expédition du Nord avait été initialement préparée par le Docteur Sun Yat-sen, et c’est son émule, Tchang Kaï-chek, qui mène les opérations. Mais c’est ce que nous verrons dans un prochain article.