La Gazette de Changhai : (48) Là où on reparle du Docteur Sun Yat-sen

De Histoire de Chine

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Rédigé par Charles Lagrange

Le 5 mai 1921 à Canton, le Docteur Sun Yat-sen est renommé président de la République par plus de 200 parlementaires. Il s’emploie à moderniser la ville en y installant son fils comme maire et en l’organisant à l’occidentale. Il s’attèle ensuite à la reconquête de la Chine qui s’écartèle entre des zones d’influence gouvernées par des potentats locaux. Dans sa croisade, Sun va trouver appui auprès des conseillers du Komintern et des mouvements paysans, faute d’être soutenu par la bourgeoisie et les puissances occidentales.

Une tentative de reconquête qui démarre à Canton

Sun Fo (1891-1973)

Le Docteur Sun Yat-sen avait regagné Canton début décembre 1920 et le 5 mai 1921 il se fait réélire Président de la République de Chine par plus de 200 parlementaires rassemblés pour l’événement.

Sun commence par nommer son fils Sun Fo maire de Canton, crée un conseil municipal à l’instar de ce qui était fait en occident et entreprend des réformes afin de moderniser la ville.

Il s’appuie sur les commerçants à qui il emprunte 1 million de Dollars pour assainir la métropole, détruire ses remparts, interdire les jeux et l’opium, bref essayer de faire de Canton une ville modèle.

Dès les travaux commencés, il annonce publiquement vouloir unifier le pays par la force, et le débarrasser des « seigneurs de la guerre », potentats locaux qui comme nous l’avons vu contrôlent les différentes provinces du centre et du Nord de la Chine et qui guerroient les uns contre les autres.

A cette époque, Wu Peifu, un militaire de carrière né au Shandong, contrôle la région de Pékin et le Hunan. Zhang Zuolin, un bandit reconverti en militaire, contrôle la Mandchourie. Feng Yuxiang, un militaire chrétien originaire du Hebei, contrôle le Shaanxi et une partie du Hebei. Zhang Zhongshan, un satrape du Shandong, contrôle sa province natale.  

Le Docteur Sun espérait récolter des fonds pour monter une force armée mais se trouve très vite démuni.

En effet, les puissances occidentales voyant d’un mauvais œil l’apparition d’un « homme fort » au Sud de la Chine, décident de ne pas le reconnaitre comme président et de lui couper les vivres en refusant de lui verser la part du « surplus douanier » revenant au Sud de la Chine et qui représente 13% du total.

D’autre part, les élites locales voient d’un mauvais œil le financement d’une force d’agression.

Enfin les trafiquants de tous ordres œuvrent en secret afin de rétablir leurs commerces juteux, à tel point d’ailleurs qu’ils parviennent à louer les services de Tchen Kiong Ming, un satrape local, qui attaque la résidence du Docteur. Celui-ci parvient de justesse à fuir et se réfugie à Changhai.

À la recherche d’un soutien politique

Le Docteur Sun, en arrivant à Changhai, est obligé de faire un constat d’échec.

La Chine est sous l’emprise de potentats locaux, et ce, jusque dans sa propre ville.

Ceux-ci monopolisent les chemins de fer dans leurs manœuvres incessantes. Ainsi, le nombre de soldats transportés passe de 290.000 en 1920 à 622.000 cinq ans plus tard. La bourgeoisie le soutient mais lui a clairement fait comprendre qu’ils n’ont pas les moyens de soutenir une action armée de grande envergure. Les notables locaux, s’ils ne sont pas corrompus, ont quelque part intérêt à voir la Chine divisée…

Le Docteur n’a plus qu’à se fier aux seules forces qui sont à même de changer les choses : le prolétariat et les paysans.

Les grèves à Changhai se sont multipliées et semblent vraiment être les « grèves de la misère » : de 90.000 journées grevées en 1918, le nombre est multiplié par huit en 1922 !

Comme la plupart des industries sont aux mains des étrangers, la révolte prend petit à petit une couleur nationale et patriotique.

Le premier « Congrès National du Travail », réunissant 162 délégués de 12 villes de Chine se tient à Canton en mai 1922.

Adolf Joffé (1883-1927)

Le Docteur Sun Yat-sen y reconnait la « patte » du parti communiste. Aussi désire-t-il rencontrer les Russes du Komintern afin de solliciter leur aide. Adolf Joffé, négociateur envoyé par Moscou pour signer la rétrocession de la concession russe de Tientsin, vient le voir à Changhai.

Lorsque Sun retourne à Canton en février 1923, les « unions paysannes » qui avaient essaimées dans la région de la Rivière des Perles, expriment leur soutien.

Li Dazhao (1889-1927)

Des lors, le Docteur fait adopter à son parti, le Guomintang, une orientation anti-impérialiste et donc anti-occidentale. Li Dazhao, brillant journaliste révolutionnaire qui avait créé le journal « Chen Bao » (l’Echo) en 1918, adhère au parti.

En août 1922, suite à son troisième congrès, l’Internationale Communiste appelle tous les membres du Parti Communiste Chinois à rejoindre le Guomintang. L'idée était de s'appuyer sur ce mouvement de libération nationale, en retirer une certaine couverture pour les militants communistes, et de permettre de gagner leurs membres les plus progressistes.

L'Internationale Communiste va s’impliquer à fond dans les conseils organisationnels et militaires au Guomintang, à tel point que l'on peut dire que c'est l’URSS qui a donné vie à son « Armée nationale révolutionnaire ».

Portique d’entrée de l’Académie militaire de Huangpu

Le représentant du Komintern en Chine, le Néerlandais Hank Sneevliet (aussi connu sous le nom « Maring »), lui propose de fonder une académie militaire à Huangpu. et d'entrainer une armée révolutionnaire : Sun accepte avec enthousiasme. Le parti communiste chinois, créé en 1921 à Changhai, demande à Li Dazhao et Lin Boqu de discuter avec Sun des modalités de fondation de l'académie.

Li Zhongkai (1877-1925)

Dès sa création,  l'académie de Huangpu se divise en  six départements : politique, instruction, entraînement, gestion, santé et approvisionnement. L'académie va attirer les meilleurs talents révolutionnaires de l'époque. Sun Yat-sen est nommé directeur de l'école à titre honorifique. Le protégé de Sun, Chang Kai-shek sera nommé principal de l'école en 1924. Liao Zhongkai, célèbre gauchiste du Guomintang et trésorier de Sun, est nommé représentant du Guomintang à l'Académie. Zhou Enlai – qui deviendra ministre des affaires étrangère de Mao après 1949, et Wang Jingwei – qui dirigera le gouvernement fantoche à la solde des Japonais en 1940 -, font partie des instructeurs du département politique.

Mikhail Borodine (1884-1951)

À l’été de l’année 1923, Sun Yat Sen envoie Tchang Kaï-chek à Moscou afin d'y rencontrer les dirigeants du Komintern, d'inspecter les écoles militaires et l'organisation politique.

Celui-ci revient en décembre flanqué de deux conseillers soviétiques qui vont beaucoup faire parler d’eux : Mikhail Marckovitch Gruzenberg, dit Borodine, et le sinistre général Vassili Konstantinovich Blücher, alias Galen.

Vassili Blücher (1890-1938)

Le cadre est fixé, les acteurs sont en place. Va commencer alors une période de trouble mais qui conduira Tchang Kaï-chek à prendre une position prépondérante. Restez branchés