Hong Kong, une « étape asiatique » du Gouverneur Angoulvant

De Histoire de Chine
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rédigé par François Drémeaux

En 1930, Gabriel Angoulvant publie « Étapes asiatiques », un récit de voyage après plusieurs mois passés à arpenter l’Asie deux ans plus tôt. Ce haut fonctionnaire français a dévoué une grande partie de sa vie aux colonies et donc, à voyager dans le monde entier. Il porte bien souvent un regard blasé sur ce qui l’entoure, mais il est impressionné par Hong Kong et le pouvoir qui en émane. Une puissance sérieusement ébranlée par les récents conflits sociaux (1925) sur lesquels l’administrateur colonial ne manque pas de revenir.

Le lieutenant gouverneur Angoulvant lors de son passage en Côte d’Ivoire

Tonkin, Chine, Djibouti, Congo, Guadeloupe, Saint-Pierre-et-Miquelon, Inde, Côte d’Ivoire… la vie de Gabriel Angoulvant, administrateur colonial, n’est qu’une succession de destinations aux quatre coins du monde. En 1920, il prend sa retraite et devient, un peu plus tard, député des Indes françaises… jusqu’à sa déconvenue électorale de 1928. Pour s’occuper, et se consoler, il entreprend alors un périple en Asie. « En trois mois et dix jours, j’ai pu parcourir l’Indochine en automobile, de la frontière de Siam à celle de Chine, monter par le rail jusqu’à Yunnan-Fou, visiter les grandes villes chinoises du littoral, et en plus Nankin et Pékin, pousser de Dalny jusqu’à Kharbine en Mandchourie, et gagner de là Vladivostock, point de départ du Transsibérien, par la Corée et le Japon. » Ce long voyage qui donne lieu, en 1930, à la publication de l’ouvrage « Étapes asiatiques. » Hong Kong est l’une de ses étapes.

"Étapes asiatique" de G. Angoulvant

Dès la première ligne au sujet de la colonie britannique, Angoulvant en dit long sur l’activité dominante de la ville « avec ses seize grandes banques étrangères et ses cinquante banques chinoises ». L’administrateur colonial, ancien gouverneur de Côte d’Ivoire puis gouverneur général d’Afrique équatoriale française, promène un œil expert sur ce que les Anglais ont fait de « Hong Kong, autrefois îlot désert et dénudé, aujourd’hui verdoyant, peuplé et plein d’une vie intense. » Au cours de sa longue carrière, et surtout avant l’Entente cordiale de 1905, le fonctionnaire français a été amené à rudoyer la perfide Albion, mais il reconnaît qu’il a sous les yeux « l’une des plus belles façades que l’Angleterre ait su se donner dans le monde, l’une des œuvres les plus impressionnantes que le labeur des hommes ait fait jaillir du néant. »

Et le voyageur d’être sous le charme. « Quand le soir tombe, le spectacle est réellement féerique ; de la rade, on voit sur la rive les voies de la ville brillamment éclairées avec, de place en place, dans les quartiers de plaisir où la vie nocturne bat son plein, comme un véritable embrasement : jusqu’au sommet du pic, les lumières des villas blotties dans la verdure s’allument, piquant de petites étoiles la nuit qui vient, tandis que les phares des autos montant ou descendant les routes en lacets semblent des serpentins animés. » Gabriel Angoulvant est tout simplement admiratif, lui qui s’est essayé de nombreuses fois à la gestion des territoires colonisés. « C’est, en même temps qu’une véritable fête pour les yeux, l’évocation lumineuse d’une puissance attestée par les immenses travaux qui ont transformé un roc stérile en une cité moderne et prospère, où la beauté s’allie harmonieusement à la force. »

Gabriel Angoulvant n’oublie pas l’envers de ce magnifique décor. En 1925, une grève généralisée « à l’instigation des bolchevistes russes de Canton » a paralysé l’économie de Hong Kong. « Le port s’est vidé de ses navires, qui ne pouvaient plus ni charger ni décharger […] les services publics – eau, électricité, transports en communs – ont cessé de fonctionner », raconte l’ancien haut fonctionnaire, en renvoyant à la lecture des Conquérants d’André Malraux, qui revient longuement sur ces événements. Ces grèves parfaitement organisées et menées avec discipline ont fortement ébranlé la colonie britannique. « Hong Kong n’est pas encore remis de ses pertes, n’a pas reconquis jusqu’ici sa prospérité d’antan ; la valeur des immeubles a baissé de près d’un tiers. »

« Malgré la médiocrité des temps nouveaux, la vie mondaine est toujours fort animée », reprend-t-il plus positivement. Angoulvant décrit une ville dynamique qu’il compare avec lucidité aux possessions françaises, trop endormies selon lui. « Au lieu de se tenir à l’écart, figée dans son splendide isolement comme en Indochine, la colonie chinoise se mêle au mouvement moderne. » Il rédige au passage le portrait d’un jeunesse autochtone aisée qui s’occidentalise.

Avant de partir, Gabriel Angoulvant s’autorise encore quelques balades. Il découvre le pic par le funiculaire en notant que « démocratiquement, son Excellence le gouverneur y prend place quatre fois par jour. » Puis il visite « Kow-Loon [où] une cité importante s’est bâtie qui abrite les employés de Hong Kong fuyant les loyers trop élevés de la grande ville. » Il rend enfin visite aux Missions étrangères « qui trouvent chez le gouvernement anglais un aide budgétaire dont l’importance fait contraste avec la modestie de nos subventions. » Une fois encore, avec lucidité sur les choix de son propre pays et impartialité au regard de sa couleur politique (de gauche radicale et anticléricale), l’ancien gouverneur reconnaît que les missions « ont beaucoup contribué à l’essor de Hong Kong. »

Sources et notes