L’Église Saint Joseph et le Père Louis Helot
rédigé par Claire Le Chatelier
Prenons la Jinling Dong Lu depuis le bord de rivière, tournons vers le sud dans la deuxième rue à gauche, la Sichuan Nan Lu (ex-rue du Général Montauban). À quelques mètres sur votre droite au no 36 s’élève encore l’église Saint Joseph qui fut la première église de la concession française.

Le 15 avril 1860 eut lieu à Yang-king-pang la pose de la première pierre de l'église des concessions, aussi dénommée Paroisse de Yang-king-pang. Le général Montauban fut parrain, Madame de Bourboulon marraine et les officiers du corps expéditionnaire contribuèrent par de généreuses aumônes à l'érection de la nouvelle église.
Elle fut le cœur d’un vaste complexe : orphelinat de la providence, institut Saint-Joseph, M. de Lagrenée s'était efforcé, sans succès, de faire restituer à l'évêque administrateur de Nanking l'ancienne église de Chang-hai, devenue temple du dieu de la guerre, et l'ancienne résidence de la Compagnie, qui lui était attenante. À la place de ces immeubles, qu'ils déclaraient ne pouvoir restituer alors sans mécontenter le peuple, les mandarins avaient concédé à la mission trois terrains, dont le premier était occupé par la cathédrale de Tong-kia-tou (Tong-ka-dou / Dong Jia Du) tandis que la nouvelle église Saint Joseph de Yang-king-pang s'élevait sur le deuxième et le complexe de Zi-ka-wei sur le dernier. Le 29 Juin, l'église Saint-Joseph de Yang-king-pang étant à peu près terminée, la messe y fut célébré pour la première fois, et chaque dimanche, la messe militaire attirait une nombreuse assistance chinoise.
C’est l’occasion de rendre hommage au Père Louis Hélot, une belle figure de la présence jésuite en Chine. Louis Hélot né à Soissons en 1816, étudie au collège jésuite de Fribourg en Suisse. Novice à St Acheul en 1835, sa formation en sciences et théologie se poursuit en France lors de son noviciat dans la Compagnie de Jésus. Il est envoyé en Chine dans le cadre de la mission du Kiang nan.
À son arrivée en 1849, il devient responsable d’établissements missionnaires à Shanghai et dans les environs, puis il est envoyé dans la province de Canton et en 1866 à Wuxi (Jiangsu). Il avait déjà été le brillant architecte de Zi-Ka-Wei (Xujiahui) et de Tong-kia-tou (Dongjiadu), qui s’était écroulé lors de la construction, menant l’œuvre à bonne fin tout en étant secrétaire et procureur de Mgr Maresca.
C’est donc lui qui surveilla la construction de Saint-Joseph. Il trouva une aide chez les marins français stationnant à Shanghai. Une tradition locale veut ainsi que la maîtresse poutre du clocher ait été mise en place par les marins de la Forte, vaisseau de l’Amiral Protet.
Dans ses lettres malheureusement peu connues, il décrit les techniques qu’il observe chez les artisans de la région de Shanghai. En effet, sans renoncer à leur priorité, la conversion et le salut des peuples païens, les missionnaires concilient en général objectifs apostoliques et nationaux, dans une volonté de contribuer à l’influence politique et culturelle de la France, fille aînée de l’Église catholique. Dans quelques cas, on peut même assimiler le missionnaire à un agent de renseignement économique dans des contextes particuliers où il est seul capable de fournir l’information souhaitée.
L’exemple connu le plus remarquable est sans doute celui du marché de la soie en Chine. Lors de la Mission de Lagrenée, la recherche du « vert de Chine » était un sujet d’actualité dans l’ennoblissement des tissus de soie ; cela coïncidait avec une période durant laquelle l’avancement des découvertes en chimie devait « couper l’herbe sous les pieds » à la teinture végétale. Le vert de chine fait partie des produits dont la fabrication artisanale était secrète et qui attirait l’attention des chimistes de Mulhouse et de Lyon à cause de l’éclat particulier qu’il peut donner aux textiles. Le périodique de l’œuvre de la Propagation de la foi, les Annales de la propagation de la foi, publie en 1857 une « Note » de quinze pages rédigée par le Père Hélot, pour la Chambre de Commerce de Lyon. Le vert de Chine, explique le Père Hélot est extrait de l’écorce de tiges et de racines de certains nerpruns, écrasée et trempée dans de l’eau chaude. Le liquide tinctorial permet de colorer la soie et le coton. Puis en un temps où les maladies des vers à soie font des ravages auxquels Pasteur n’a pas encore découvert de remède, il envoie en Lombardie des œufs des meilleurs vers et fournit des informations sur les périodes variables des mues dont dépendent l’épaisseur et la solidité des vers a soie. Les lettres du Père Hélot aident à mesurer l’intérêt que put avoir dans la France du XIXe siècle, la connaissance des techniques chinoises.
Enfin, le Père Hélot, s’illustra dans un service rendu à l’Église de Corée. Cette Église avait connu de nombreux martyrs et dès 1847, les missionnaires retentaient de s’introduire dans ce pays. Deux bâtiments français de 600 marins et transportant deux missionnaires avaient fait naufrage aux abords du pays. En 1851, M. Maistre des Missions Etrangères de Paris, accompagne d’un chrétien coréen, retenta l’entreprise d’entrée en Corée sur une barque chinoise ayant à son bord des caisses contenant de l’argent, des vases sacres, des ornements pour l’Église de Corée. Le Père Hélot, qui avait quelques connaissances nautiques, s’offrit pour les accompagner. Le Vice-consul de France, M. Edan, afin d’aider l’expédition remit au Père Hélot une lettre officielle de mission d’examiner les épaves françaises de 1847. Il réussit à débarquer M. Maistre et son assistant sur les côtes coréennes. Mais fortement surveillé par les mandarins locaux, et n’ayant pas rencontré les jonques chrétiennes qui devaient venir récupérer l’argent et les ornements, il décida de rentrer sur Shanghai. Mais les matelots chinois du Père Hélot, ayant deviné la valeur des objets transportés, décidèrent d’assassiner le Père Hélot afin de voler la cargaison en rejetant la faute sur les Coréens. Un orage providentiel, mettant en danger la barque au moment où le projet criminel allait s’exécuter épouvanta les matelots qui se dirent : « Nous avons attiré la malédiction du Ciel par notre projet criminel ! L’Européen est Son protégé ». Peu de temps après, la barque saine et sauve arrivait à Shanghai.