La Gazette de Changhai : (32) Une vocation industrielle se greffe à la puissance commerciale
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rédigé par Charles Lagrange
La fin de ce XIXe siècle voit Changhai la commerçante devenir petit à petit le creuset d’une industrialisation dont le feu vert a été lancé par le traité de Shimonoseki et qui voit se multiplier les initiatives dans des domaines aussi variés que les chantiers navals, les filatures de coton et de soie, l’industrie du papier, des cigarettes, etc. Le tout s’appuyant sur un port qui prendra très vite une taille mondiale.
La prospérité basée sur un port qui se classera vite parmi les plus grands du monde
Une des conséquences du traité de Pékin signé en 1901 et qui avait mis fin aux hostilités entre les nations alliées et la Chine, avait été la création du « Whampoo conservancy Board[1] », organisme contrôlé par l’État chinois mais cogéré par les autorités des concessions et dont les cadres sont européens.
La tâche du Board était de rendre le fleuve Huangpu plus praticable et surtout de permettre aux navires de plus gros tonnage de naviguer jusqu'à Changhai.
Jusque-là, les navires devaient tout d’abord passer la barre du Yang-Tsé à marée haute afin de naviguer avec 27 pieds de profondeur d’eau. Après une navigation de trois heures, ils arrivaient à la barre de Wusong dont la profondeur était au maximum de 21 pieds.
Les grands navires devaient donc déposer sur allèges une partie de leurs cargaisons afin d’accoster deux heures plus tard à Changhai. Le transbordement à Wusong prenait du temps et son coût était le double de celui de Changhai.
Il était donc important de trouver un moyen de pouvoir remonter directement jusqu'à la ville.
Le fleuve a donc été dragué et ses rives sont aménagées, depuis Wusong, jusqu'au-delà du Bund.
Les revenus du Board proviendront des droits de quai ainsi que de la vente des terrains gagnés sur le fleuve.
L’administration de cet organisme a été confiée à un Hollandais pour quatre ans, lui succéda ensuite un Suédois qui le dirigera pendant plusieurs décennies.
La vieille ville chinoise de Changhai avait dû son essor à la construction de bateaux qui alimentaient un commerce de cabotage devenu indispensable par suite de l‘ensablement du Grand Canal.
Cette tradition refait surface dès 1862 avec la firme « Boyd and Co.[2] », suivie par la « S.C Farnham[3] » deux ans plus tard. En 1906, les deux sociétés fusionnent avec une troisième née entre temps pour devenir la « Shanghai Dock & Engineering Co.[4] » dont les activités, reprises par l’Etat dans les années cinquante, ont survécu jusqu'à aujourd’hui. En 1900, les chantiers navals disposent de cinq cales sèches pouvant accueillir des navires de 500 pieds de long et 25 de profondeur et l’équipement qui y était installé permet de construire des steamers d’une capacité maximum de 2000 tonnes. Ces chantiers navals constituent un service appréciable pour les milliers de bateaux qui mouillent au port de Changhai. Ce port se trouve alors être la tête de ligne de plusieurs entreprises de navigation côtière, dont les principales sont :
- la « China Navigation Co. [5]» de Butterfield & Swire, qui en 1900 avait armé 34 vapeurs,
- la « China Merchants Steam navigation Co.[6] », société chinoise crée en 1872 par Li Hongzhang et qui en arme 30,
- et la « Indo-China Steam navigation Co. » appartenant à Jardine & Matheson, et qui en possède 27.
Le trafic maritime
En plus, opèrent également à partir du port de Changhai trois compagnies allemandes (Siemssen & Co[7], Dampfshiffart Reiderei et Arhold Karberg & Co), une anglaise (Greaves & Co[8]), une russe (Russian Steam navigation Co) et une japonaise (Nippon Yushen Kaisha).
Relâchent aussi à Changhai les principales lignes maritimes internationales comme les anglaises Peninsula & Oriental, Ocean Steam Ship Co.[9], Glen line[10], Ben line, les américaines Pacific Mail Steam ship Co.[11], Oriental & Occidental, et Northern Pacific, la française Messageries Maritimes[12], des allemandes, des japonaises, une autrichienne et une russe.
En 1900, le trafic maritime alimente quelque 89 sociétés de commerce occidentales installées à Changhai : 44 britanniques, 22 allemandes, 10 françaises, six américaines, deux suisses, deux hollandaises, deux belges, une autrichienne…
En 1900 toujours, ce trafic maritime du port de Changhai représente quelque 3000 vapeurs débarquant un fret total de quatre millions de tonnes ainsi que 85 voiliers étrangers et 325 voiliers chinois y ajoutant 200.000 tonnes.
La valeur du commerce transitant par le port se positionne déjà à 118 millions de Taels, soit l’équivalent près de 4000 tonnes d’argent !
Une industrialisation dont un traité précipite l’ascension
La genèse
C’est grâce aux clauses du traité de Shimonoseki en 1895 que sont définies les bases de l’implantation industrielle étrangère en Chine. Jusqu'alors les activités productives étaient réservées aux Chinois qui à travers quelques initiatives heureuses, avaient créé un embryon d’industrie dans la région.
De ces entreprises publiques chinoises, les plus fameuses avaient été sans conteste les arsenaux, et surtout le plus grand d’entre eux, l’Arsenal de Kiangnan à Changhai.
En 1895, il y avait 41 arsenaux dispersés le long de la côte chinoise et parsemant les voies navigables intérieures. Sans se soucier des considérations économiques ou stratégiques, la plupart d’entre eux étaient situés au siège administratif des autorités locales qui les avaient établis et contrôlés. Plus de six millions de Taels avaient été dépensés pour l'établissement : plus de la moitié de cette somme était fournie aux gouvernements locaux par des subventions provenant des recettes des douanes maritimes impériales ; le reste provenait des revenus locaux. Le coût annuel des opérations était d'environ 2,5 millions de Taels. La gestion était confiée aux bureaucrates qui employaient le personnel des gouvernements locaux qui exploitaient les arsenaux. La supervision technique, dans plusieurs des plus grandes usines, était confiée à des conseillers étrangers.
La production de l’Arsenal géant de Kiangnan – créé en 1865 – en est peut-être le meilleur exemple. Cette usine, qui consommait chaque année entre un tiers et la moitié des dépenses nationales consacrées à l'industrie militaire, était principalement consacrée à la production de canons de défense côtière, de munitions navales, de types de munitions correspondants et d'autres articles dont l'importance était interprétée principalement dans en termes de leur potentiel de défense maritime.
Le système éducatif traditionnel de la Chine ne pouvait pas fournir les techniciens nécessaires aux arsenaux ; et l'économie sous-développée ne pouvait pas fournir les matières premières. En conséquence, une situation très contradictoire est apparue dans laquelle les industries de défense de l'Empire ont été contraintes de s'appuyer sur des ennemis potentiels pour obtenir le savoir-faire technique et les matériaux nécessaires au maintien de la production.
Cependant, afin d’acquérir la connaissance nécessaire sur la science et la technologie, l’arsenal s’est doté en 1868 d’un « Département de traduction », composé d’un total de 50 érudits chinois et neuf occidentaux à différentes époques. Sa fonction pragmatique déclarée était d'assister les techniciens de l'arsenal dans leur production d'armes, même si les traductions étaient également commercialisées auprès de l'extérieur.
John Fryer, un missionnaire anglais enseignant au Collègue Anglo-Chinois de Changhai, a été un des plus fameux traducteurs du département, et certainement celui qui a y a officié le plus longtemps puisqu’il y a travaillé de 1868 à 1915.
Li Hongzhang, grand artisan du développement des initiatives industrielles à Changhai, a créé en 1889 la première filature de coton, la « Foreign Cloth Factory ». Malheureusement, après trois ans, l’usine part en fumée.
L’initiative est cependant suivie par d’autres, comme celle de la « Modern spinning & weaving factory » crée en 1880, ainsi que la « Hwa Shen Cotton Mill[13] », 14 ans plus tard.
Les étrangers arrivent
L’ouverture du marché aux étrangers voit bien évidemment les grandes maisons de commerce se ruer dans la brèche. Ainsi des sociétés comme Jardine & Matheson et Karberg & Co[14], qui étaient négociants en coton, investissent dans des filatures et créent des noms fameux comme « Ewo[15] », « Laou Kung Mow[16] » et « Shui Kee » installées sur la rive Nord du Huangpu. Les Japonais mettent peu de temps à les suivre et en 1900, 10 filatures et tissages de coton sont en place, dont la moitié appartiennent à des étrangers.
Les filatures de soie suivront, avec 25 usines en 1900, dont 20 dans des mains étrangères et qui totalisent
Verront ensuite le jour des usines chimiques, dont la première datait de 1875 et avait été créée par les frères Major près d’un vieux pont de pierre qui enjambait la rivière Suzhou.
Viendront alors des meuneries dont la première, la « Fou Foong Flour Mill[17] » était chinoise mais équipée avec des machines américaines achetées par les frères Tao-ching en 1897.
Suivront des fabriques d’allumettes phosphoriques, de papier, d’eau gazeuse, des brasseries, etc.
Notes et références
- ↑ Consulter la Hong List
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