La presse française à Shanghai

De Histoire de Chine
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Cet article est une contribution du Souvenir Français de Chine. → Visitez le site du Souvenir Français

rédigé par Claire Le Chatelier

L’Echo de Chine (1897-1920), Journal des intérêts français en Extreme-Orient, Le Journal de Shanghai (1927-1945) fondé par Jean Fontenoy (1899-1945), Le Courrier de Chine (1945-1949)

Empruntant depuis le Bund la Jinling Dong Lu (ex-rue du Consulat) pour rejoindre la Place du Peuple, nous remarquons sur la gauche un grand immeuble qui s’étend des no21 à 35 : les bureaux du « Journal de Shanghai » et du « Courrier de Chine ».

Le journal de Shanghai

Depuis le 1er juillet 1897, il existait à Shanghai un journal hebdomadaire des intérêts français paraissant sous la direction officieuse des Missions étrangères de Paris : L'Écho de Chine, auquel collaboraient les Français en poste en Extrême-Orient. Des écrivains, comme Paul Claudel, des orientalistes comme Noël Péri, des savants, des scientifiques… En 1920, ce journal végétait et les Français lisaient plus volontiers la presse anglaise.  Ce journal avait ses bureaux au 23, rue du Consulat, actuelle Jinling lu. Mais son lectorat se réduisant au profit des journaux en langue anglaise et malgré une reprise par Achille Vandelet dans les années 20, il disparaîtra définitivement en 1926.

Le Courrier de Shanghai et L'Écho de Chine

C’est le journaliste Jean Fontenoy qui fonda en 1927 dans ces mêmes locaux, le Journal de Shanghai, un nouveau quotidien qui  se voulait être « l’organe des intérêts français en Extrême-Orient ». Pour un abonnement de 25 dollars mexicains (84 euros actuels) en 1928, le journal publiait sur six, puis huit pages, les nouvelles de France et de Chine, les cours de la Bourse de Shanghai et de Hong Kong, les taux de change, les prévisions d’arrivée et de départ des bateaux, les comptes-rendus des cérémonies, les prix des denrées pratiqués au marché central, des publicités et un feuilleton. Joseph Shieh, un employé chinois de la police française, y travailla pendant un an, à sa création à traduire les éditoriaux de la presse chinoise. Au départ du fondateur une nouvelle équipe prit le relais mais l’orientation politique du journal restera fortement teintée d’extrême-droite. En mars 1945, le coup de force des Japonais suspendit la publication.

Jean Fontenoy était né le 21 avril 1899 à Fontainebleau où son père était entrepreneur en charpentes. Excellent étudiant il parlait cinq langues, du russe au chinois en passant par le latin et le grec. Mobilisé durant quatre ans pendant la Première Guerre Mondiale, il en revient décoré de la Croix de Guerre 14-18. Communiste dans sa jeunesse, il ralliera, dès son retour en France en 1932, de douteuses bannières, comme le PPF avec lequel il rompra après les accords de Munich, et restera ensuite dans la mouvance pro-nazi. Journaliste, à ses jours écrivain, son livre, Shanghai secret, malheureusement épuisé, est une mine d’anecdotes véridiques qui soulève le voile d’un monde en demi-teinte peuplé de compradores, courtisanes, éphèbes japonais, trafiquants,  gangsters… racontées avec un humour fin mâtiné d’une certaine ironie.

En septembre 1945, les gaullistes de Shanghai inaugurèrent, dans les mêmes locaux, un nouveau quotidien, le Courrier de Chine. Plusieurs personnes portèrent cette publication sur les fonds baptismaux : M. Léon Grosbois, qui fut à Shanghai le Directeur de l’Ecole Française et du Collège, puis Délégué de l’Alliance Française, Inspecteur de l’Enseignement Général, patriote convaincu et passionné, un des premiers gaullistes à Shanghai ;  M. René Pontet, sous-directeur du Crédit Foncier d’Extrême-Orient et président du groupe « France Libre » à Shanghai, qui avait répondu à l’appel du 18 juin en compagnie de M. Grosbois, et enfin M. Roger Pignol, le représentant du Ministère de l’Information.

À la Une du premier numéro du Courrier de Chine, encadrant un portrait du Général de Gaulle, on trouve un éditorial de Roger Pignol : Vers une France Nouvelle, un long article de Léon Grosbois qui s’explique sur la création du nouveau journal, un article sur la Résistance à  Shanghai et un hommage aux Français de Shanghai engagés aux cotés du Général de Gaulle et tombés pour la Patrie.

Comme le dit M. Léon Grosbois :

« Le Journal de Shanghai disparaît après 18 ans d’existence. De 1927 à 1940 il a joué un rôle de premier plan…..La catastrophe de 1940 est arrivée, et le Journal de Shanghai a subi le sort de tout organisme d’information dans un territoire occupé : il a perdu son indépendance réelle, indépendance à l’égard des évènements d’Extrême-orient ; indépendance à l’égard des évènements d’Europe, indépendance à l’égard des  évènements de la France… Sans doute a-t-il été possible d’inviter le lecteur à lire entre les lignes. Il n’en restait pas moins évident que le Journal était devenu un organe de propagande du gouvernement de Vichy…. Le Journal de Shanghai devait disparaître si l’on voulait rompre avec un passé récent mais lourd et trouble. Le Courrier de Chine est un nouveau Journal qui cherche à :

  • Comprendre la Chine et faire comprendre la Chine en France
  • Faire comprendre la Chine en France et informer régulièrement les Français
  • Faire comprendre la Chine en Indochine et informer régulièrement les Indochinois, Français et Annamites
  • Encourager les prises de contact, les rencontres dans tous les domaines de l’activité humaine entre Chinois et Français. »

Malgré ce programme engageant que nous pourrions continuer à faire nôtre aujourd’hui, le Courrier de Chine perd une partie de son lectorat avec l’exode des Français de 1946. De quotidien il devient hebdomadaire et disparaît en 1949 à l’arrivée des communistes au pouvoir.

Notes

Pour compléter cet excellent article de Mme Le Chatelier mentionnons les autres journaux français qui ont existé à Shanghai :

« Le 5 décembre 1870 apparaît le premier journal francais publié en Chine. Il se nommait Le Nouvelliste et paraissait une fois par semaine ; son propriétaire, Béer, eut tout l’encouragement et l’appui de la municipalité. Malheureusement quelques mois plus tard, le 21 mars 1871, un nouveau journal de tendance complètement opposée, Le Progrès, était fondé par un ancien attaché à l’Observatoire de Paris, professeur démissionnaire de l’Université de Pékin, Emile Lepissier. Ce furent entre les deux concurrents des polémiques violentes, dont le résultat le plus clair fut de les faire succomber l’un après l’autre. Le Progrès disparut le premier, après moins d’un an de publication, le 23 janvier 1872. Le Nouvelliste disparut à son tour le 31 décembre de la même année. On essaya de lui donner un successeur, Le Courrier de Shanghai, qui ne vécut que 3 numéros, le premier datant du 16 janvier 1873. Il faudra attendre l’année 1886 pour voir réapparaitre un journal français à Shanghai. Ce journal ne vécut que quelques mois, s’appelait l’Echo de Shanghai et était dirigé par un certain Salabelle. »

dans Histoire de la Concession Française de Changhai Ch. B.-Maybon et Jean Fredet, 1929.