René Vallon, dernier vol à destination de Shanghai
rédigé par Christine Leang
« Shanghai, samedi 6 mai 1911 – Mort de René Vallon, aviateur français, suite au crash de son aéroplane sur le champ de courses. »
Destin tragique pour cet aviateur parisien né en 1880, qui effectue le premier vol en aéroplane dans le ciel chinois. Invité par les autorités locales, René Vallon doit présenter au public un spectacle de haute voltige en plein cœur de Shanghai. Mais la démonstration se termine en catastrophe...
Extrait du North-China Herald, numéro du 13 mai 1916 (traduction par l’auteur) :
“Tragédie aérienne” Mort de M. Vallon
Le pionnier de l'aviation en Chine, M. René Vallon a trouvé la mort sur le Champ de courses samedi dernier, dans des circonstances qui ont jeté une ombre funeste sur l'ensemble de la communauté. Le drame est survenu de la manière la plus spectaculaire, et aucun des milliers de témoins n'oubliera jamais le choc de ce cruel et terrible accident. La mort de M. Vallon ferme ce qui promettait d'être un chapitre lumineux dans l'histoire actuelle de la Chine, à savoir l'introduction de l'aviation.
Départ de KIANGWAN
À la veille du fameux vol, la météo prévoit des vents défavorables. Mais une nette amélioration dans la matinée de samedi termine de confirmer que le vol aura bien lieu. A cinq heures, à Kiangwan au Nord de Shanghai, tous les préparatifs ont été achevés, l’aéroplane est prêt à s'élever dans les airs, avec René Vallon aux commandes. À l’approche de la gare du Nord de Shanghai, l’altitude est d’au moins 1000 pieds. Malgré un vent un peu remuant, Vallon met le cap sur le Champ de courses.
L’accident
À la vue spectaculaire de l’engin en plein ciel, un tonnerre d’applaudissements se lève des tribunes. Mais subitement, l’aéroplane fait une plongée soudaine, vire à droite, puis à gauche. Un instant, on croit que Vallon va réussir à redresser l’appareil, mais en fait, la machine marque un temps d’arrêt d’une ou deux secondes, avant de s’écraser tragiquement. Tout est fini.
Vallon, héros de l’air, âgé de 31 ans à peine, s’est crashé sous les yeux horrifiés du public du Champ de courses (aujourd’hui People’s Square), où se trouvait également son épouse, venue pour le féliciter à la fin de ce qui devait être une prestation spectaculaire. Ce n’était pourtant pas le premier vol que le courageux aviateur effectuait dans ces cieux.
Son brevet de vol obtenu neuf mois plus tôt, Vallon effectue son premier exploit le 20 février 1911 à l’hippodrome de Kiangwan (Jiangwan[1]), près de Shanghai. Un mois plus tard, il s’envole de nouveau, cette fois devant des officiers généraux dépêchés par le gouvernement de Nankin pour étudier l’intérêt de ce nouveau mode de locomotion. Le mois suivant, il vole pour la première fois au-dessus de Shanghai, sous les yeux du consul général de France qui lui remet un prix pour saluer son exploit.
Le 10 mai 1911, au lendemain de la tragédie, un service funéraire a lieu à l’église Saint-Joseph. Un public nombreux, de toutes nationalités, vient témoigner sa peine et son profond respect à la famille du défunt. En hommage, la municipalité française érige une stèle commémorative au Koukaza Park (aujourd’hui Fuxing Park), situé près de la rue qui portera désormais le nom de l’aviateur, la route Vallon (actuelle Nanchang Lu[2]). La stèle est malheureusement détruite par les Japonais, mais le héros suscite des vocations, notamment celle d’Etienne Tsu, héritier d’une des plus puissantes familles shanghaiennes de l’époque. Formé à la conduite aérienne à Villacoublay, Tsu rejoint la Légion étrangère en 1915. Ses victoires comme pilote de chasses dans l’armée de l’air durant le premier conflit mondial lui valent la Croix de guerre avec palmes. Démobilisé en 1919, il rentre en Chine où il participe à la création de la première école d’aviation chinoise.
Notes
- ↑ Pour situer sur une carte : http://www.histoire-chine.fr/shanghai-buildings/?entity_name=Jiangwan%20Race%20Course
- ↑ Pour retrouver la correspondance moderne des rues du vieux Shanghai : http://www.histoire-chine.fr/vieux-shanghai/?fulltxt=vallon