Une comtesse sur le « Peak »
Cet article est une contribution du Souvenir Français de Chine.
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rédigé par François Drémeaux
Marguerite du Bourg de Bozas est la femme de l’explorateur éponyme. Alors que celui-ci entreprend un tour du monde d’exploration en 1900, l’intrépide comtesse décide de faire partie du voyage. Armée d’un appareil photo, elle tient un journal très vivant et coloré.
Le 28 décembre 1900, les époux du Bourg de Bozas quittent Marseille en direction de l’Asie. Les escales sont nombreuses et après Singapour vient Hong Kong.
« Dans le port, plusieurs navires de guerre battant pavillon anglais sont à l’ancre ; à côté, de nombreux sampans, sur lesquels habite une population bruyante d’indigènes. Comme fond à ce spectacle animé, des montagnes aux lignes capricieuses, au milieu desquelles le pic de Hong Kong s’élève majestueusement, dominant la ville. »
La comtesse se cultive dès son arrivée. Elle raconte l’histoire de l’occupation de Hong Kong par les Anglais comme un épisode « assez curieux ». Dans son long récit, il n’y a pas une goutte de sang ; elle semble oublier la guerre de l’opium et conclue qu’en « en 1842, à la suite de pourparlers souvent orageux, l’île de Hong Kong est cédée aux Anglais ».
« Une grande animation règne dans l’artère principale. Européens et Célestes vont et viennent, très affairés. Queen’s road est une large avenue bordée de nombreuses boutiques anglaises et chinoises ; elle est le centre, le boulevard des Italiens de la ville. Les rickshaws y circulent avec rapidité, traînés par des Chinois infatigables ; des coolies portent des sedan chairs, dans lesquelles sont mollement étendus des Européens ou des Célestes en costume de soie brochée. »
La comtesse, comme beaucoup de voyageurs, est intriguée par « les policemen punjab » ces détachements de policiers indiens, connus et réputés pour leur physique athlétique et leur fermeté au travail.
« Au milieu de cette agitation, [ils] se promènent gravement en uniformes sombres et coiffés de turbans écarlates ; avec leurs yeux noirs étincelants, leur visage osseux aux traits heurtés ».
Marguerite du Bourg de Bozas s’attarde sur le comportement des Chinois :
« Leur sens des affaires, leur activité, leur souplesse, sont autant d’éléments de succès dans une ville commerciale comme Hong Kong, où nombre des leurs ont fait fortune. »
Puis son attention est de nouveau attirée par le Pic ; elle explique que c’est l’endroit le plus frais et le plus ventilé de la ville lorsque les chaleurs estivales sont accablantes. C’est pourquoi les Européens y font construire leur maison.
« Nous avons fait l’ascension de cette montagne en tramway électrique. Au premier abord, on éprouve la sensation de monter lentement, graduellement, sans secousse ; mais bientôt le tramway se redresse brusquement et, bien que la côté soit très rude, il monte avec rapidité ; on ressent pendant ce voyage une impression désagréable. De plus, le système de traction n’est pas à crémaillère : qu’un accroc se produise, et nous sommes précipités en bas et pulvérisés ! »
Après ces émotions, la valeureuse comtesse admire le paysage.
Et au retour en ville, une séance de shopping s’impose…
« En Europe, les cafés et les restaurants abondent : en pays chinois, ce sont les pâtisseries, et j’en vois tout le long des voies que nous suivons. On me montre des gâteaux aux pastèques, des tartelettes de nids d’hirondelles au sucre, des graines de melons noirs que les Chinois seuls savent ouvrir, des olives, des mangos, espèce de fruit qui ressemble au melon sans en avoir le parfum, et des morceaux de canne à sucre arrangés si habilement qu’ils attirent les regards brillants de convoitise des Célestes. »
Vient ensuite une balade dans Happy valley…
« La vallée heureuse est la promenade favorite des Européens […] nous nous trouvons sur une route bordée de prés verdoyants. A droite, s’étend le cimetière européen, qui, au premier abord, semble un vaste parc où les arbres et les fleurs ont été plantés à profusion».
Prise de mélancolie, la comtesse s’épanche sur les tombes dans une réflexion sur les malheurs de la colonisation. Pour elle, beaucoup d’Européens courent après des mirages dans des pays certes riches « mais où l’initiative et l’effort personnel sont nécessaires plus que partout ailleurs. »
Sources
- Marguerite du Bourg de Bozas, Mon tour du monde, 1903
- Numa Brox, dictionnaire des écrivains et voyageurs en Asie au XIXe siècle, 1992