Henri de Feynes, le premier Français à atteindre la Chine (1609)
Rédigé par David Maurizot
Il est des noms qui n’appartiennent qu’aux notes de bas de page. Henri de Feynes est de ceux-là. Et pourtant, cet obscur noble picard fut, en 1609, le premier Français à avoir atteint la Chine. Une prouesse aujourd’hui complètement oubliée.

Nous savons peu de choses sur lui. Il se disait comte de Monsart, parfois de Montfort, sans que l’on sache s’il s’agissait là d’un titre réel ou d’un ornement d’usage. Il serait né vers 1573. Ni ses origines, ni sa jeunesse, ni même les raisons précises de son aventure jusqu’en Chine ne sont documentées. Le soupçon flotte : aurait-il été un agent discret agissant pour le compte d’Henri IV, soucieux de ne pas laisser au Portugal, aux Provinces-Unies et à l’Angleterre le monopole de l’audace asiatique ?
En 1606, il quitte donc Paris probablement sur instruction royale, dans un périple mêlant routes terrestres et escales maritimes vers l’Orient. Il rejoint d’abord Venise et gagne ensuite Alep où il se greffe à une caravane jusqu’à Bagdad. Puis, longeant le Golfe, il navigue jusqu’aux Indes, franchit Malacca, croise Macao (portugaise depuis à peine 50 ans) et enfin atteint Canton. À son arrivée, aucun protocole d’accueil, aucune ambassade officielle. Seulement un homme qui regarde, note et compare.
Feynes décrit les soieries, les porcelaines qui font tant rêver en Europe. Il observe la pêche avec des oiseaux dressés qu’on appellera plus tard cormorans. Il voit avec étonnement les pieds bandés des femmes de la haute société. Et puis, aussi, ce breuvage étrange qu’il appelle « cahayette » et qui est encore inconnu en France : le café.
Son retour est moins glorieux. Par mer cette fois, via Goa, le Mozambique et Lisbonne… où, suspecté d’espionnage, il est jeté en prison. Il n’en sortira qu’en 1613.
Son récit paraît d’abord à Londres en 1615, dans une traduction anglaise. Il faudra attendre 1630 pour qu’un imprimeur parisien publie enfin l’original français sous le titre : « Voyage faict par terre depuis Paris jusques à la Chine ». L’accueil fut mitigé. On l’accusa d’avoir inventé, enjolivé, voire plagié. Il fallut le témoignage de contemporains plus crédibles (Jean Mocquet, François Pyrard) pour attester qu’il disait vrai.
Le lecteur d’aujourd’hui, s’il s’attend à la fraîcheur d’un Marco Polo ou à la subtilité d’un Matteo Ricci, restera sur sa faim. Le style est sec, la description factuelle. Mais, il faut lui rendre justice : il est allé là où nul Français n’était encore allé et bien plus qu’un simple aventurier, il incarne probablement une première tentative diplomatique et économique française vers la Chine.
Pour aller plus loin
Retrouvez en version digitale l’intégralité du livre d’Henri de Feynes conservé par la Bibliothèque nationale : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8607007m.image