Il était une fois... le parc de Jing’an
rédigé par David Maurizot à partir d'un tuyau de Nicolas Grévot
Shanghai, ville de contrastes et de modernité, cache en son cœur de nombreux secrets d’un autre temps. L'un de ces trésors méconnus est le parc de Jing’an. Ce havre de paix, entouré de gratte-ciels, fut autrefois un lieu bien plus solennel : un… cimetière.
Il y a un siècle, le parc de Jing'an portait le nom de Bubbling Well Cemetery[2], le dernier lieu de repos de nombreux résidents étrangers. Son histoire commence en 1898, lorsque l’administration de la Concession Internationale décida d’aménager un cimetière près du temple Jing’an.
S'étendant sur près de 40 000 mètres carrés, le cimetière était un espace verdoyant, parcouru de longues allées bordées de platanes. Aujourd'hui, à l'entrée, ces mêmes arbres, plantés il y a plus de cent ans, rappellent silencieusement aux visiteurs le passé du parc. Le long de ces allées se dressaient des pierres tombales mais aussi une petite chapelle, un crématorium, et un columbarium pour les cendres des défunts.
Après l’établissement de la République populaire, les cimetières de la ville furent progressivement déplacés en banlieue lointaine et en 1952 le Bubbling Well Cemetery fut démantelé pour être transformé en parc public. Le parc de Jing’an ouvrit officiellement ses portes le 3 octobre 1955.
Aujourd’hui, le parc conserve peut-être un autre discret témoin de son passé : un pavillon en marbre blanc. Ce pavillon de style occidental, soutenu par douze colonnes ioniques, surplombe des marches en marbre, et rappelle la grandeur passée du site. Sur un de ses côtés, gravés dans le marbre, « P. Capurro » et « Genova ». Sachant qu'une marbrerie du nom de Capurro existe encore à Gènes, serait-ce là la trace d'un des pavillons funéraires d'origine ?
Bien que beaucoup des pierres tombales aient disparu, l’atmosphère calme et respectueuse reste intacte, et les platanes centenaires qui bordent les allées semblent encore veiller sur les esprits des anciens résidents de la ville.
Ce parc est ainsi bien plus qu’une simple enclave de verdure au milieu de la jungle urbaine. C’est un morceau d’histoire, où le passé se mêle au présent. Sous les arbres et les pavillons, les souvenirs des anciens habitants de Shanghai continuent de flotter, invitant les promeneurs à réfléchir aux liens entre les vivants et les morts dans cette ville où tout se transforme, mais rien ne disparaît jamais vraiment.
Notes
- ↑ Source : minguotupian.com, photographie répertoriée par Katya Knyazeva sur le site pastvu.com
- ↑ au 1649 Bubbling Well road (voir aussi la liste des cimetières du vieux Shanghai)
- ↑ Vue aérienne de Shanghai en 1948, entièrement navigable ici
- ↑ Source : Compte WeChat Longdang (弄堂)
- ↑ Source : Compte WeChat Longdang (弄堂)