L’atelier de Tushanwan
rédigé par Benoît Vermander
Tushanwan, sur la pointe sud de Xuijiahui, est situé à la courbe du ruisseau Zhaojiabang. Son courant s’étant arrêté, un canal y fut creusé, et la terre empilée à cet endroit forma une « colline ». De là le nom de Tushanwan (« la courbe où la terre forme une colline »). En 1864, les Jésuites de Shanghai créèrent l’orphelinat de Tushanwan, lequel ferma seulement en 1960, et fut donc en activité durant près d’un siècle.
Tushanwan fut le berceau de la peinture occidentale en Chine, et éduqua plusieurs générations d’artistes renommés. C’est la source de la culture shanghaienne moderne aussi bien que de ses arts et artisanats, l’origine de nombreuses « premières » dans l’histoire de l’artisanat chinois. Les œuvres de l’atelier furent présentées lors des expositions universelles, notamment celles de 1900, 1915, 1933 et 1939. Ses portiques chinois géants, les reproductions de pagodes, les portraits et sculptures der personnages célèbres et de Madones chinoises y obtinrent plusieurs prix et médailles.
Le fondateur de l’atelier d’art de Tusanwan fut en fait le frère jésuite catalan Juan Ferrer, né in 1817 au sein d’une famille de sculpteurs et d’architectes. Sur l’initiative des jésuites français qui dirigeaient la mission, l’atelier fut intégré au sein d’un orphelinat ouvert sur le site en 1864. Tushanwan se trouvait ainsi intégré au complexe jésuite de Zikawei lequel comprenait des établissements d’enseignement (notamment le Collège Saint Ignace fondé par le père Claude Gotteland en 1850), une très grande bibliothèque, un musée d’histoire naturelle (fondé par le père Pierre Heude en 1868) ou encore un observatoire et une station météorologique (fondé par le père Augustin Colombel en 1873). Des professeurs jésuites français, espagnols, italiens, et, progressivement chinois, y enseignèrent aux jeunes orphelins la peinture, la sculpture, la gravure, l’ébénisterie, l’art du vitrail, l’imprimerie et d’autres techniques, formant ainsi plusieurs générations d’artisans et d’artistes shanghaïens. Vers 1886, il y avait 342 orphelins vivant à Tushanwan, 133 recevant une formation à l’atelier. Un quartier d’ouvriers chrétiens se forma peu à peu aux alentours de l’atelier, perpétuant une tradition locale spécifique. Le premier directeur de l’orphelinat fut le père Emile Chevreuil, qui exerça son mandat de 1864 à 1877 (avec une interruption en 1870-1871, puis de nouveau de 1882 à 1892). Plus tard, les pères Louis Bouvet et Joseph Lapparent jouèrent également un rôle important dans le développement de l’institution. D’autres figures notables de l’orphelinat furent le père Casimir Hersant, qui adopta les méthodes d’imprimerie les plus modernes alors en 1874, le frère Xavier Coupé, qui de 1912 à 1936 fut le directeur de l’atelier de peinture, ou encore le frère Léo Mariot, architecte et fondateur de l’atelier de sculpture.
« L’Imprimerie de Tou Se We », ainsi qu’elle était connue, avait imprimé vers 1934 environ 350000 copies de livres chinois, et 7000 copies de livres occidentaux. Elle publia notamment la série des « Variétés sinologiques », remarquable par la qualité des cartes et peintures qui l’accompagnent. Parmi les étudiants issues de l’atelier, l’un des plus connus est Zhang Chongren (1907-1998), sculpteur célèbre en Europe comme l’ami de Hergé et l’inspirateur du personnage de Tchang. Il termina sa carrière comme directeur de l’Académie des Beaux-Arts de Shanghai. Avant lui, Zhou Xiang (1871-1933) et Xu Yongqing (1880-1953) eurent un rôle pionnier dans l’introduction des arts occidentaux, notamment de l’aquarelle, en Chine.